lundi 17 avril 2017

Dälek - Untitled

    2005 > Indus/Experimental hip hop


Cela commence par une pulsation électronique. On se croirait presque transporté en 1968 lorsque Pink Floyd exaltait sa recherche d’ambiance dans Saucerful Of Secrets. Ici tout est affaire d’alternance. D’abstraction. De symétricité. La rue est bel et bien là mais sous une autre forme. On ne la distingue plus derrière tout ce rideau de fumée, derrière ces gravas, derrière toute cette désolation. On doit se réinventer, redéfinir tout ces concepts que l’on croyait innés. Inhérents. « Kept isolated… ». MC Dälek ne s’est pas absenté. Mais il gère ces interventions. Car oui, il y a du hip hop ici aussi mais il n’a jamais été aussi difficile à cerner. Cerné par ce vide, ces nappes de bruit, ces effusions industrielles, ces machines qui ne dorment jamais. Une guitare acoustique fait son apparition. On passe de 1968 à 1994 comme un brutal voyage dans le temps pour se retrouver sur Cluster One, toujours avec le même groupe (Pink Floyd) mais avec des gens différents. « I feel too old. ». Ca fatigue. C’est exigeant. « Have we spend too much time on knees that we forgot how to walk? ». On se trouve très proche du vide – voire du void – mais on se tient à bonne distance pour ne pas se faire aspirer. On est tout en contrôle. A la limite de la désintégration comme ces atomes qui n’ont rien demandé à personne et qui se font exploser la tronche sans raison aucune apparente. « We choose what nightmare to forget, what lies to remember. It's quite easy to forget who you are ». L’oubli. Il est central. MC Dälek se tait. On repart en 1971 cette fois, avec les corbeaux et leur Echos. Le vent se met à souffler, la tempête se lève. Tout se déforme. Souterrain et aérien à la fois. « To being human ». On en doute. Une guitare électrique endosse le rôle de l’orage et du tonnerre. « Kept isolated ». Le couplet revient mais sans être là. Absence. Distorted prose. Ou simplement chuchotée. Une tabla fait son apparition. La recette a déjà été éprouvée, on la rapplique. Juxtaposition de moments calmes et violents, faibles et forts. Une accalmie au piano. Puis une agression à coup de guitare électrique et de batterie pour le moment pour le plus intense qui rappelle presque Sonic Youth. Le rap devient instrument d’épouvante. Le noir et le sombre nous enveloppent. Le thème du début s’en revient. Et ce pour les 12 dernières minutes. Une fin magnifiquement impersonnelle, déstabilisante, maussade. Mais surtout terriblement vide, laissant la part belle à l’imagination et frustrant ceux qui attendent quelque chose au bout de ce couloir. Un quelque chose qui finit par arriver, un banjo qui fait claquer ces cordes dans un ultime moment de vie, et ces dernières lignes de texte comme une apostrophe à Dieu. Un reproche. Un aveu de faiblesse. Une incommunicabilité. Presque une négation pure. « If I believed in you, I would only clasp these hands in an attempt to choke you. Provoked to speak in strict silence. Why mince our words when we both prefer violence ? ». Bien sûr que l’on préfère la violence. Mon silence parle pour moi. Y a de l’Antistar là-dedans. Voire du Testcard. Ici tout est affaire d’ambiance. De violence. Et de silences qui en disent long. 45 minutes sans titre. Mais sûrement pas sans intérêt.

Mgła - Exercises In Futility

2015 > Black metal/Délégation d'émotions


Un mauvais album de Mgła, ça n'existe pas. Du moins pour l'instant. J'en suis sûr à présent. J'avais tout de même quelques réserves quand j'ai envoyé pour la première fois le morceau Exercises In Futility deuxième du nom sur mon téléphone, fin Août, premier titre à filtrer - ou plutôt suppurer - de ce nouvel album, à l'intitulé déjà très évocateur et excitant en soi, au moins autant que le précédent du combo polonais, With Hearts Toward None. Un talent certain pour le choix des titres d'album donc, en même temps qu'un bon goût pour les pochettes. Mettez-les toutes côte-à-côte et vous tenez votre prochaine tapisserie, que votre fils soit gothique ou non. Noires, blanches, avec 50 nuances de gris, la dernière ne dérogeant pas à la règle puisqu'elle nous présente cet homme au corps presque nu - il n'est vêtu que d'un pagne - et décharné, que l'on croirait possédé, cherchant de ses bras crispés la sortie ou la lumière dans cette forêt qui le cerne, que ses yeux ne lui permettent apparemment pas de trouver au vu de sa posture pour le moins étrange. Un peu moins d'aisance dans le choix des singles pour le groupe par contre - un concept toujours un peu empreint d'une certaine ironie dans le petit monde spécial du black metal - puisqu'au final, il s'avère que ce II est le titre qui empêche cet album d'accéder au rang de chef d'oeuvre incontestable et immortel. Une piste qui n'est pas foncièrement mauvaise, son intro étant même assez énorme avec cette superposition de 2 riffs hallucinants accompagnant la première ligne de texte pour le moins classe et annonciatrice: "There is a style in total denial". Mais passé cela, le morceau stagne dans ses acquis, tournant en rond pendant 5 bonnes minutes et ne nous proposant plus grand-chose, jusqu'au retour salvateur du thème d'ouverture encadré par une partie mid-tempo qui constituera la conclusion du morceau. Un morceau qui peine ainsi à convaincre totalement et à se montrer consistant tout au long de ses 8 minutes, chose qui sera pourtant réalisée assez facilement pour les 5 autres titres, et ce via une recette traditionnelle qui a déjà fait ses preuves dans les enregistrements précédents du groupe polonais: une collection de riffs meurtriers à n'en plus savoir qu'en faire - dont on peut assimiler certains à de véritables coups de griffe, à l'image de celui présent sur le L du nom du groupe -, des vocaux excellents et rauques, un batteur qui s'affirme à chaque disque davantage, ne se contentant pas de blaster fébrilement pour blaster, mais affichant une palette plutôt intéressante pour le poste (notamment dans l'utilisation des cymbales), et enfin une ambiance noire et pesante, misanthropique, apocalyptique, qui laminera votre esprit et obscurcira vos pensées qui conserveront leur teint assombri même après plusieurs machines. En réalité, tous ces éléments mis bout-à-bout aboutissent à la mise en perspective de 2 concepts simples qui se dégagent à l'écoute de cet Exercises In Futility et qui en font sa force. La musique qui le compose consiste en fait en un savant mélange de parties mid-tempo géniales et de parties brutales intenses avec des introductions brillamment exécutées. En plus de cela, on peut noter de petites nouveautés pour le groupe notamment sur les 2 derniers titres: la partie calme et le clavier final de V, titre incontestablement le plus opaque du recueil avec ce refrain qui vous maintient la tête sous l'eau suivi par un excellent effet de contraste de VI, morceau quant à lui peut-être le plus lumineux de toute la carrière de Mgła avec cette intro et ces chœurs très inhabituels, même si ses dernières lignes de texte ne prêtent pas forcément à l'optimisme et relèvent plutôt du vain et du nihiliste: "As if all this was something more - Than another footnote on a postcard from nowhere - Another chapter in the handbook for exercises in futility." L'orage revient, implacable. Et il n'est pas prêt de partir. Oeuvre majeure de 2015.