samedi 27 décembre 2014

King Crimson - Red

1974 > Progressif/Jazz/Metal/Hard prog/5 Star(less)s


Cet instant est magique. Cet instant où l'on arrive à la dernière piste de cet envoûtant Red est magique. Cet instant où les premières notes de ce divin Starless résonnent en nous est magique. L'écoute des 4 premières pistes pouvait nous laisser présager d'une fin extraordinaire comme cela mais même dans nos rêves les plus fous, ce n'était pas aussi organique ou orgasmique. Car oui, le morceau titre, lourd et vénéneux, est d'une oppression assez frappante, Fallen Angel est magnifique, irradiée par la voix si caractéristique de John Wetton et par l'utilisation à bon escient d'instruments à vents, One More Red Nightmare est à la fois lumineuse et rampante, avec sa fin abrupte, ses percussions aquatiques et ces interventions fort à propos au saxophone et Providence installe un sentiment de malaise encore plus prononcé et renvoie directement à Starless And Bible Black, l'album précédent. En fait, tout le disque ne semble avoir été pensé que dans l'intention de préparer au mieux cette fin, où toute la majesté du roi cramoisi se dévoile. Organisé en 4 parties, ce voyage initiatique que nous propose le guitariste et leader Robert Fripp et sa bande nous fait traverser par toute une palette d'émotions: la mélancolie avec ce début tout en douceur où cohabitent mellotron et chant hypnotique de Wetton puis la tension avec cette basse qui claque comme un fouet et cette guitare qui cisaille des notes aussi tranchantes qu'une machette, tour à tour graves ou montant inexorablement dans le plus effroyable des aigus jusqu'à finalement exploser dans un déluge d'électricité. Ce n'est plus une guitare que tient Robert Fripp mais une arme de destruction massive sonore. Et alors qu'on se croyait perdu, c'est soudain le saxophone qui prend le relais pour un espèce de jam totalement débridé avant le dernier mouvement, le plus monstrueux de tous. Celui-ci surgit lorsque le saxo se met à reprendre le thème introductif, pour boucler la boucle et nous ramener brutalement à la réalité. Une quatrième partie tout simplement prodigieuse. Cet instant restera magique. Un jour de Juillet 2012, dans l'après-midi, moment où j'ai réalisé combien le progressif pouvait être grand et transcendant restera magique. King Crimson ne se remettra jamais vraiment de ce morceau, annonçant la mise en sommeil de l'aventure - ce ne sera que provisoire, le phénix renaîtra de ses cendres pour une nouvelle vie plus axée new wave - avant même la sortie de Red. 38 ans après, on ne s'en remet toujours pas non plus. Starless, ou un des titres les plus marquants du siècle. Ni plus, ni moins. Pour un album qui n'est pas en reste.  

mercredi 24 décembre 2014

White Cross - Fascist EP

1982 > Hardcore/Thrashcore


White Cross est un obscur groupe hardcore/thrashcore qui nous vient de Richmond, U.S.A. et à la durée de vie aussi courte que leurs chansons. Cet EP est leur première release sortie en 1982. Le premier mot qui me viendrait en tête pour parler de cet enregistrement est approximatif, à l'image de ce son, absolument horrible et grésillant, et qui pourrait bien être rédhibitoire pour certains d'entre vous - surtout si vous l'écoutez au casque -, ce que je ne pourrais blâmer. Malgré cela, les compos tiennent la route, pour peu qu'elles durent plus de 5 secondes (cf Fascist: 10 secondes au compteur): le mid-tempo American Way ou le très bon Jump Up, qui sera par ailleurs repris magistralement par Socialcide. La fin du disque est malgré tout moins intéressante et la qualité va decrescendo. Honnête, sans plus. A noter la pochette, extrêmement glauque et du plus bel effet.

dimanche 14 décembre 2014

Queen - Innuendo

1991 > Hard rock/Pop/Crépuscule


La fermeture d'un disque fait partie de ces petits détails qui à priori ne revêtent pas une si grande importance. Pourtant, si elle est réalisée avec soin, elle peut faire passer un album de moyen à bon ou de bon à excellent. Les puristes crieront au chipotage c'est évident, mais ceux qui écoutent un disque avec leurs tripes et l'esprit aux aguets comprendront de quoi je parle. Il s'agit de pondre une fermeture avec une personnalité si forte qu'elle permette de se souvenir précisément de l'écoute comme si elle avait été gravée au fer rouge dans votre esprit. Les quelques secondes qui précèdent le silence final sont également très importantes, si la fin est trop abrupte, cela dessert la démarche. En ce sens, si je fouille dans ma tête, 2 chansons miroir typiquement labellisées "fin de ouf" me viennent en tête (même si Astronomy de Blue Öyster Cult frappe à la porte), A Day In The Life des Beatles et l'épitaphe de Queen, The Show Must Go On. Mais si les 2 titres possèdent ce crescendo insoutenable jusqu'à ce fade-out libérateur, le second nommé possède cette dimension si dramatique et inéluctable qui l'amène à prétendre naturellement au rang de meilleure fin de disque de tous les temps. Car ici, ce n'est pas seulement Innuendo qui se termine, album de bonne facture s'il en est, c'est l'existence de l'aventure Queen et plus précisément celle de Freddie Mercury qui s'arrête brutalement. Les paroles sont limpides: "I have to find the will to carry on with the show", "Inside my heart is breaking" et font de ce morceau un véritable testament et un pur moment déchirant et épique, où l'espoir et la résignation sont mêlés, digne du dénouement des plus grandes tragédies littéraires. Queen, et par extension Freddie Mercury dont la nature profonde est si théâtrale (souvenez-vous, Bohemian Rhapsody), ne pouvaient baisser le rideau que de cette manière-là.