vendredi 28 décembre 2018

The Doors - L.A. Woman

 1971 > Blues/Rock/Psychédélique/Last ride on the storm


Le voici donc ce fameux album de la déliquescence annoncée. L’obsolescence programmée des Doors était donc de 4 ans. Des Doors ou de Jim Morrison au sein du groupe, un Jim Morrison encastré dans un coin de la pochette de ce L.A. Woman, 5° et ultime album du groupe, méconnaissable, barbu et gras, bouffi même par toutes ces beuveries qui sont devenues son lot quotidien et qui n'a plus rien à voir avec le dandy érotique qui posait fièrement sur le premier album de 1967. Musicalement, les choses ont bien changé également. Avec leur 4° opus Morrison Hotel, les Californiens s'étaient recentrés sur l'essentiel en proposant un album cohérent et maîtrisé qui officialisait le retour d'une bonne base blues et clouait ainsi le bec à tous ceux qui pensaient le groupe fini après s'être englué dans le synthétique et le sirupeux au sein de Soft Parade. L.A. Woman poursuivait dans ce sillage. Certes, le blues a toujours été là, même sous-jacent, dès les premiers instants du groupe – on se souvient de Back Door Man sur The Doors – mais il n'a jamais autant imprégné un album jusqu'à présent. Le psychédélisme des débuts et avec lui l'orgue résistent (Hyacinth House, la classieuse ouverture funky'n'rool The Changeling, le terrifiant L'America proche dans l'esprit de Saucerful Of Secrets de Pink Floyd) mais s'effacent au profit du quartette guitare/basse/batterie/voix, roi de Been Down So Long, Cars Hiss By My Window ou Crawling King Snake – un vrai bassiste est d'ailleurs engagé pour le disque, de même qu'un guitariste rythmique, alors que Ray Manzarek avait l’habitude d'assurer les parties de basse de son orgue. 3 titres ouvertement blues, fruits de la toute dernière session d'enregistrement pour les 2 derniers – session baptisée le « Blues Day » par Jim Morrison. Un enregistrement d'ailleurs assumé sans Paul Rothchild, l'ingénieur du son historique du groupe depuis ses débuts, ce qui explique ce son cru et live avec très peu d'overdubs que l'on observe. La voix de Morrison y apparaît rauque et caverneuse, presque en retrait parfois, surtout sur la première face, la seconde de son côté – notamment par l'intermédiaire de Hyacinth House et L'America - redéploie provisoirement la flamboyance et l'aspect pop que revêtaient les interprétations de Jim dans le passé. Les musiciens gardent un très bon souvenir de cet enregistrement, le guitariste Robby Krieger affirmant : « Rothchild était parti, ce qui est une des raisons pour lesquelles nous nous sommes tant amusés. Le gardien était parti ». Album de la déliquescence alors, vraiment ? Malheureusement oui, car pendant que celui-ci sort, Morrison quitte les Doors et les Etats-Unis où les flics l'ont dans le collimateur, pour rejoindre Paris, la terre d'accueil d'un de ses héros Ernest Hewingway. Et lorsque L.A. Woman sera porté au firmament des charts en même temps que le single Riders On The Storm, Morrison de son côté s'endormira définitivement au cœur d'une nuit parisienne, dans des conditions étranges, entre ultime cuite et surdose d'héroïne, excitant ainsi les fantasmes les plus fous comme celui d'une fuite savamment programmée et exécutée. Certains affirmeront ensuite l'avoir aperçu, anonyme, en Turquie, peut-être marchant côte-à-côte de Hendrix, Presley et Barrett, qui sait ? Ce sera également le début d'une longue bataille juridique, notamment entre les membres restants du groupe scindés en 2 camps, Krieger et Manzarek d'un côté, Densmore de l'autre – une bataille logique lorsqu'il y a du pognon en jeu – pour ou contre la reformation et l'emploi du nom The Doors pour des disques ou tournées ou encore l'utilisation du répertoire dans le cadre publicitaire. Le début aussi d'une longue série d'émission télé de merde présentées par C. Hondelatte, entre 2 disques pourris enregistrés, qui mène des investigations sur les circonstances de la mort de Jim près de 40 ans après, alors que tout ou presque a déjà été dit sur le sujet et que les protagonistes à interroger commencent à se faire rares, quand bien même se souviendraient-ils de quelque chose... Nous, ce qu'on se demande, c'est comment auraient évolué les Doors dans les 80's, comment ils auraient négocié le virage punk ou house, s'il auraient collaboré avec Miles Davis ou Herbie Hancock ou simplement splitté en 1972... Et entre 2 utopies d'occase, plutôt qu'interroger le fils du commissaire chargé de l'enquête à l'époque, parlez-nous de la magnifique ballade Love Her Madly, de The Wasp où Jim joue au Tupac Shakur, de la superbe équipée sauvage et jazzy – épitaphe de Morrison – Riders On The Storm, avec son piano éléctrique et son doublage des voix par du souffle – le titre que l'histoire a retenu, avec Light My Fire, peut-être par son aspect prophétique mais qui musicalement n'est finalement que peu représentatif du groupe – ou encore de l'histoire de Mr Mojo Rising, qui traverse Los Angeles à toute vitesse en moto à la recherche de sa L.A. Woman