mercredi 25 février 2015

Arvo Pärt - Tabula Rasa

1977 > Classical, Minimalist

Avant toute chose, il est vivement conseiller de libérer son esprit de toute pensée prenante pour aborder ce qui va se passer. Il existe plusieurs interprétations du concept philosophique de tabula rasa, qui s’appliquent à expliquer comment l’âme, l’esprit humain est imprégné et modelé par les sensations qui l’affectent. Les personnalités ne seraient, en ce sens,  forgées que par les différentes expériences personnelles (je ne saurais aller plus en avant dans ces concepts). Arvo Pärt expose brillamment sa théorie avec une représentation musicale grandiose. La première partie de l’œuvre est construite sur une base fougueuse et incontrôlable, présente pour rappeler que l’ardeur et la passion sont ceux qu’il y a de plus créatif dans la nature humaine. Ce motif élémentaire se répète inlassablement et de manière trémoussante, comme si l’âme n’était rien d’autre qu’une flamme perpétuellement alimentée par les différentes sensations qui constituent ses carburants vitaux. Attisé au gré des expériences, ce qui n’était, au départ, qu’une simple lueur va devenir un authentique feu de joie, lui-même source de sensations pour d’autres foyers qui ne formeront plus qu’un, consumant bientôt tout leur espace. Ce point d’orgue sonne inexorablement la chute du héros. Vient ensuite la seconde partie que presque tout oppose à la première, tel le jour et la nuit. L’espace dévoile, une fois la fumée dissipée, les sombres rouages qui le composent. Ces engrenages étaient là depuis toujours, sous les yeux de chacun, toutefois, l’éblouissante clarté des flammes ne faisait qu’empêcher de voir ce qu’il y avait de plus sombre et froid. Cette seconde phase constitue une ambiance peu rassurante, voire déstabilisante, où tous les principes élémentaires s’effritent au toucher, même le plus délicat. Les volets se ferment lentement au cours de longues minutes, pour ne finalement laisser qu’un misérable faisceau de lumière peinant à se faufiler à travers l’entrebâillement de la mansarde, le tout dans un silence très pesant. Ces deux actes de Tabula rasa donnent l’effroyable impression d’une nature qui, poussée à son paroxysme, vole en éclat. En espérant que cette chronique puisse servir de support pour entamer l’écoute.


Explosions in the sky - Take Care, Take Care, Take Care

2011 >  Post-rock

A peine la première piste de cet album instrumental, Last Known Surroundings, a-t-elle démarrée qu’une mise en scène prodigieuse s’opéra. La pièce fut envahie d’un embrun mystique s’échappant des accessoires d’écoute et bientôt, s’agglomérant en mousse près des fenêtres pour en forcer le passage et ainsi embaumer le monde extérieur. Si au départ les morceaux s’amorcent plutôt lentement, dans une atmosphère cajolante, les choses vont ensuite bon train, une fois que l’élan de solidarité a su rassembler les participants avec des règles atypiques : les sons plus légers attirent les plus lourds. Les actes de cette œuvre sont marqués par un phénomène caractéristique qui pourrait être qualifié de pression musicale. On y constate, en effet, une implication, dans un premier temps croissante, des émetteurs de sons qui viennent progressivement occuper l’espace acoustique. Il n’y a point de leader. C’est comme un spectacle de place publique grouillante de monde où tous les groupes parlent entre eux. Cet accroissement du nombre de dialogues contribue chaleureusement à l’augmentation de la pression jusqu’à une étape seuil. Celle-ci est marquée par la libération frénétique des passions, à la manière du champagne (à consommer avec modération) qui laisse déborder sa mousse après avoir été frénétiquement agité. Surviennent alors des instants apocalyptiques, comme dans Human qualities, où il ne reste plus rien. Seules quelques notes très timides renaissent de leurs cendres entraînant dans leurs mouvements des compagnons dont le ton n’est guère plus enthousiaste, à en oublier ce qui venait de se passer. Cela laisse croire que le groupe se freine pour ne pas jouer trop de notes. Moins elles sont nombreuses et mieux elles sont appréciées. Telle est la logique de ces passages. Le ton ne reste jamais bien longtemps déprimant, à l’image de Postcard from 1952 où il règne une ambiance plutôt bon enfant et de Trembling hands qui apporte un dynamisme certain qui se distingue par des baguettes de batterie qui carambolent dans un brouhaha vigoureux et saccadé. Pour conclure sur cet album, il convient de souligner que le groupe arrive à dresser des paysages étonnants par l’alternance de phases plus ou moins énergiques et par son jeu d’espace, qui reste bien sûr discret.

dimanche 22 février 2015

AC/DC - Let There Be Rock

1977 > Hard rock


AC/DC c'est comme la bonne bière. C'est tellement bon et facile à enfiler que tu pourrais t'en coller des litres et des litres dans le bide sans t'en rendre compte, en pensant que c'est de l'eau, parce que ça descend tout seul, ça rafraîchit et puis y a tes potes à côté qu'il faut suivre sans quoi dans 5 minutes tu seras largué niveau conversation (ou borborygmes, grognements, tout cela sous réserve de la réaction de tes poteaux à l'alcool). Bien sûr le lendemain, tu auras une vessie pleine et tu seras limite avec des regrets de t'être affiché comme cela. Mais le soir, tu recommenceras, évidemment. AC/DC, c'est cela, c'est l'éternel retour aux sources, nécéssaire. AC/DC, c'est basique de chez basique, l'efficacité personnifiée et sans fioritures: un chanteur à la voix rauque et à la sensibilité bluesy exacerbée, des power chords à la pelle et des solos qui butent comme sur Problem Child, un des sommets de l'album. AC/DC, c'est toujours la même recette, qui fonctionne depuis le début, et qui continuera à fonctionner pour peu que l'on adhère et qu'on ne se prenne pas la tête à l'écoute. Nous sommes en 1977. AC/DC sort son 4° album qui s'intitule Let There Be Rock et c'est un excellent opus. Mais cette affirmation ne présente que peu d'intérêt. Car enfin, qui ici en doutait ?  

samedi 21 février 2015

Pan Sonic - Osasto EP

1996 > Electro/Noise/Minimal/Electronoise


Peu échaudé par ma première expérience malgré tout assez mitigée ainsi qu'incomplète sur A mais néanmoins intriguante, je me lançais avec confiance et vigueur sur cet Osasto, un des premiers mini albums des Finnois Pan Sonic, alors Panasonic avant que les Japs ne s'en mêlent. Niveau musical, pas grand-chose à voir avec le grand frère cité ci-dessus mis à part le socle électronique commun. Osasto est moins riche en ambiance et en nuances que les albums qui suivront. Son bruit n'est ici que cadencé, modulé d'un titre à l'autre, terriblement massif et dénué de tout sentiment. Ne cherchez pas une quelconque mélodie sur Osasto, cet album en est totalement dénué. Tout n'y est que brut, rêche et ne s'embarasse pas de détails. Mis à part l'évident et immédiat Uranokemia, reste donc un disque peu orthodoxe et bien élevé, pas très enclin à sortir de sa réserve et à livrer ses secrets mais néanmoins fascinant par sa démarche et son opacité.  

mardi 17 février 2015

Foals - Antidotes


  2008 > Math rock/Indie rock  

Antidotes, encore un nom en rapport avec un traitement me direz-vous. Que cela n’entache en rien la qualité de cet album de math rock ! Le style percutant et accrocheur peut vous faire adhérer en quelques minutes. Les Foals n’hésitent pas à mettre leur fougue au service d’un savant mélange rythmique, fruit d’un travail acharné sur les sons de batterie et les figures rythmiques.  Ces dernières permettent justement d’éviter la linéarité en mettant l’emphase sur certaines parties qui laisse parfois place à un véritable déchainement des percussions. Cet Antidotes constitue une offense aux conventions rythmiques et ce, pour notre plus grand plaisir. Le groupe se délecte, en effet de ces incohérences. Les motifs mélodiques sur la plupart des morceaux, comme par exemple Balloons ou Big Big Love, sont constitués de roulement de notes qui se répètent indéfiniment dans un style très minimaliste. Ce bouquet de sons apporte une présence rassurante à la façon de Steve Reich, un maître en la matière. En effet, pourquoi utiliser une seule guitare pour exécuter un accord quand il est envisageable d’en avoir dix-huit sur lesquelles une seule note est jouée ? Il est agréable de penser que ces notes ont l’effet de multiples coups de crayon d’artiste qui, non sans une pointe de dissonance, forment les contours de l’esquisse de l’œuvre. Les titres sont animés d’un entrain qu’il est impossible de calmer. Quiconque essaie de faire taire une phrase se retrouve confronté à un déferlement de protestations qui rappellent la folle liberté rythmique des morceaux. Ceux-ci simulent l’intention désespérée de combler les brèches, ce qui n’a pour effet que d’augmenter la pression dans les zones les moins colmatées. Ou donner de la tête alors ? Frappez à gauche, ils vous nargueront à droite.  Il n’y a qu’un seul remède à cela, ou plutôt antidote : écouter l’album en entier.

dimanche 15 février 2015

Happy Mondays - Squirrel And G-Man: Twenty Four Hour Party People Plastic Face Carnt Smile (White Out)

1987 > Post-punk/Indie rock/Proto-Madchester


Nous sommes en 1987. 7 après leur formation et un premier EP sorti en 1985, le groupe découvert par Tony Wilson à l'Haçienda sort son premier album sobrement intitulé - prise de respiration - Squirrel And G-Man: Twenty Four Hour Party People Plastic Face Carnt Smile (White Out). Nous sommes encore loin des couleurs et des petites pilules qui peupleront leur fête la plus célèbre. Ici, on a plus affaire à de l'indie rock, je dirais même du post-punk. Il n'y a qu'à écouter cette basse basique mais claquante renvoyant directement à Joy Division (le fait que les Mondays soient signés sur Factory n'est pas une coïncidence) et ces guitares venues tout droit de 17 Seconds des Cure. Cependant, on sent déjà que les Mondays ne sont pas aussi froids que leurs prédécesseurs ne serait-ce que dans leur songwriting: le groupe est bel et bien Happy et leurs chansons sont enjouées, presque ensoleillées. Ecoutez donc Olive Oil, Tart Tart ou Kuff Dam, super tube de cette galette et que je sois changé en savon si un sourire estival n'éclaire pas votre visage à la fin de cette bombe. De la Warm Wave ? En quelque sorte. Les prémices du baggy/Madchester qui se prépare alors et dont ils seront l'une des locomotives majeures. 

jeudi 12 février 2015

D.A.F. - Ein Produkt der Deutsch-Amerikanischen Freundschaft

1979 > Indus/Noise rock/Krautrock


La formule à 4 de D.A.F. - comprenez Deutsch-Amerikanischen Freundschaft ou amitié franco-allemande, bien avant Angela et Sarko - n'est pas la plus connue, spécialement auprès de ceux qui n'ont suivi que de loin la saga des précurseurs de l'EBM. Et pour cause, car au début de leur carrière, leur musique est plus proche des aventures no-waviennes qui sévissent à New York depuis 2 ans déjà que de cette électro profondément décadente et provocante qui suivra notamment à partir de Alle Gegen Alle qui contiendra leur plus grand tube, le subversif Der Mussolini. Une musique noise rock donc, saupoudrée généreusement d'indus savamment dosé qui fait songer évidemment au krautrock, Neu! notamment, ce qui s'explique aussi par le fait que le groupe partage la même nationalité que le pays d'origine de ce genre. Ein Produkt est ainsi, comme son intitulé le laisse présager, bel et bien un produit, solide et compact, une espèce de mixture métallique qui ne s'éternise pas assez pour en devenir indigeste. Il faut donc juger dans l'intégralité cet album, succession de pièces plus ou moins brèves, portées par une basse qui claque plutôt bien, une guitare qui distille des motifs accrocheurs ou des larsens crispants et une batterie plutôt minimaliste. Un album instrumental qui plus est, le chanteur Gabi Delgado ayant quitté le groupe à ce moment-là. Ein Produkt ou la furieuse impression d'être coincé dans les méandres d'une horloge en plein fonctionnement.

dimanche 1 février 2015

The Knack - Get the Knack

1979 > Rock/Hard Rock 


Chez Zykalire on prend aussi bien plaisir à vous proposer des albums inconnus au bataillon qu’à vous rassasier avec des classiques, notamment quand vous avez les chros (bon pas terrible celle-là). C’est pourquoi je voulais vous suggérer le très bon Get the Knack. En effet, rien de tel que de s’écouter cet album de 79 pour trouver un peu de chaleur californienne, dans un style rock très prononcé. On pourrait même dire que c’est plus fort que ça, car même si la voix ou la disto ne tapent pas dans le dur, il n’empêche que les coups assénés sur la batterie se veulent très secs et la rythmique vous donne des claques. L’ambiance de l’album est bon enfant, mêlant des morceaux enjoués avec d’autre plus sensuels comme Maybe Tonight, sans jamais côtoyer les registres tristes et mous. Les chants en chœur poussent au contraire à l’hyperactivité, surtout avec une voix qui crache beaucoup de décibels sans pour autant s’épuiser. Les Knack sont assez cash (et d’ailleurs, aussi avec une pointe très légère de Clash), avec eux c’est un peu du genre Your Number or Your Name, surtout quand ils jouent sur deux sons, feignant ainsi la marche de gros bras venus casser des dents. On retrouve ce style dans le célèbre My Sharona, avec un solo héroïque évocateur d’une quête romanesque. La clarté et l’équilibrage du son sur cet album me surprennent, ce qui n’est pas toujours mon cas avec des albums qui datent comme celui-ci. La tonalité de la basse est, en effet, assez addictive. Je m’arrête là, car je ne vois pas autre chose à ajouter, non pas que l’album ne soit pas exceptionnel, mais plutôt parce que toutes les comparaisons que j’ai pu expérimenter semblent vaines et futiles pour Get the Knack, comme des boulettes de papier qui n’atteignent jamais leur cible.