samedi 6 janvier 2018

This Heat

This Heat 1979


Il est toujours intéressant d’imaginer avant l’écoute le contenu d’un album,  notamment avec son nom. Je conviens que ce n’est pas toujours pertinent, mais This Heat est également le nom du groupe. On peut donc légitimement se demander de quelle chaleur il s’agit, d’autant plus le démonstratif semble désigner quelque chose de précis. Je ne sais pas si le réchauffement climatique était déjà une préoccupation en 1979, date de sortie de l’album. Il s’agit peut-être de la chaleur générée par le feu de la guerre. La pochette aux couleurs enfantines détonent néanmoins avec ce constat. Peu importe. Les premières idées ont émergé et on peut maintenant se laisser guider agilement par les titres.
Horizontal hold attaque sans ménagement. Des pauses impromptues viennent interrompre ce chahut dans un changement de fréquence radio et de tonalité. C’est tendu et on sent que ça travaille dur. Puis la fatigue prend le dessus. Petit à petit. Des ondes maléfiques persistent néanmoins à stimuler tout ça. On croit reconnaître un air connu qui est vite interrompu vers 4’ mais pas le temps d’apprécier cette mélodie qui laisse place à la dissonance et au broyage électronique version 2.0. Quelques guitares semblent avoir survécues dans ce monde ultra synthétique, à moins que ce ne soient des systèmes industriels eux-mêmes qui jouent la guitare comme une résurgence des temps passés digérés. Not waving semble être la cause d’une régression temporelle. Les notes sont effleurées dans une inquiétude saisissante. La sensation de ne pas être seul est de plus en plus dérangeante. A travers le couloir sombre tracé par la viole, une voix, quelque peu tiraillée, nous mène de la peur au désespoir. Profitez de cette lueur mélodique, l’une des rares de l’album. Une fumée mystique se répand. Les idées se consument. Les yeux piquent. Le temps s’est manifestement ramolli. Water représente le réveil désagréable au port avec la peur qu’on va nous tomber dessus. On n’y voit rien dans cette brume et on entend taper sec. C’est un défi de spatialisation sonore ! Combien sont-ils ? D’où les coups vont-ils venir ? C’est fini. Twilight furniture produit un rythme où quelques notes de guitare semblent sonner le glas. Une incantation lointaine se fait entendre par instant. Une fois le soleil couché, la tension latente s’atténue, apaisant l’âme qui prie encore à travers des litanies soutenues pour rejoindre une couche temporelle plus décente. C’est chose faite avec 24 Track Loop. On est toutefois peut-être allé trop loin à travers les tuyaux spatiotemporels. Ils sont reconnaissables par la filtration sonore qu'ils produisent sur la ferraille. La sortie trouvée, le son se fait plus métallique voire plus tranchant. C’est assurément le morceau phare du disque avec son rythme endiablé ! Quelques reliquats du passé viennent hacher ce tapis de notes industrielles. Un crescendo, non moins intéressant, vient accentuer la productivité jusqu’à ce que la gourmandise sonore viennent pousser les machines au bord de la rupture. Diet of Worms est justement ce que l’on récolte avec une productivité déraisonnée. Ce pourrait être les cris d’oiseaux affamés. Je ne sais pas trop. L’ambiance pauvre et apocalyptique donne un gout épouvantable à ce morceau. Une faune privée de liberté dans un monde réduit en cendres. On tient peut-être l’échappatoire avec Music like escaping gas. Il ne s’agit en fait que du phénomène maléfique se montrant sans artifice à nous. Une toux (1:38) témoigne de la contamination par ce fléau. Cela souligne également la démarche artistique franche et directe. Il ne reste plus qu’à se calfeutrer dans une fumée d’encens tout en balbutiant quelques incantations dans la douleur. Les éléments naturels se déchaîne avec Rainforest. Je me demande encore comment ces effets de foudre et de terrain pulvérisé ont pu être produits. Cette forêt est certainement l’ultime rempart du mal. Au-delà de celle-ci, The fall of Saigon semble nous dévoiler ce qui pourrait être le Vietnam. Les chants très graves et le rythme lourd et dramatique accompagnent l’ampleur du désastre. Une guitare, jouée comme une folle mouche, vole avec furie sur cette triste épopée qui s’achève en toute humilité. La force n’y est plus. Il ne subsiste plus qu’un signal électronique confiné mais survolté. Espérons qu’en ayant mis la main sur Test Card II, les techniciens reproduisent la terrible erreur commise avec le test « Card I » (ou Crad je ne sais plus à force, c’est la face bleue en tout cas) pour nous offrir un expérimentation au moins aussi intriguante et visionnaire.

1 commentaire:

  1. Chro au poil et bien supérieure à la mienne j'en ai peur... Disque essentiel en tout cas, multi-directionnel et visionnaire.

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