jeudi 30 octobre 2014

Kyuss - Wretch

1991 > Hard rock/Stoner à essuyer avec un sopalin


Dans le genre rock gras, difficile de faire mieux. Nan mais franchement hein. Du cambouis qui sort de tous les amplis, des guitares, du micro, de partout. J'imagine que c'est le son, avec cette prod garage qui y fait, mais l'impression est tenace, vivace, plus vraie que nature. Wretch c'est le premier album de Kyuss, le premier groupe de Josh Homme, la tête pensante de Queens Of The Stone Age, un album adolescent, prépubère même, maladroit parfois (et pour cause le bonhomme n'est âgé que de 16 ans), assez loin des road trips psychédéliques et désertiques de Blues For The Red Sun, Welcome To Sky Valley et When The Circus Leaves Town... , même si l'aspect stoner est déjà là mais dissous dans l'huile pour l'instant. Et pour commencer ce dixe, quoi de mieux qu'une intro monstrueuse, meurtrière, de 1 minute et quelques mais ô combien implacable avec ce riff en forme de coup de pied dans le derche. Et en plus le titre en forme de manifeste: Beggining Of What's About To Happen et entre crochets s'il vous plaît. Le début de ce qui va se passer. Oui en effet, ce n'est que le début quand on sait ce qui suivra mais putain sérieux! Je crois que c'est le début de carrière le plus convaincant et poutresque de n'importe quel groupe toutes époques confondues. Le reste du titre HWY 47 suit mais est logiquement un ton en dessous. Mais rien que pour cette intro, ça vaut le coup. Les deux titres suivants, le vrombissant Love Has Passed Me By et le doomy Son Of a Bitch enfoncent le clou et ce, le pied au plancher et contribuent à asseoir Kyuss au rang des groupes à suivre très attentivement en cette année 1991. Allez faites-vous un petit plaisir: c'est bon un peu de matière grasse pour la santé !

jeudi 23 octobre 2014

Deathprod - Morals And Dogma

2004 > Dark ambient/Suprême infinité


J'ai une certaine idée du chaos. Voilà. Elle est placée, mon accroche, une bonne phrase d'introduction, pensée, mûrement réfléchie pendant moult temps. Ouais, ça me semble assez parfait. Parfaitement racoleur, idéal pour vous titiller, vous et votre curiosité. Bah ouais, ne faites pas l'innocent ni le modeste, la curiosité c'est bien ce qui vous anime, non ? Quand vous voyez une petite lumière sous votre porte, vous passez votre oeil à travers le judas pour voir ce qu'il se passe dans le couloir, vrai ou faux ? Et puis vous vous repaissez dans votre voyeurisme. Ah il a bon dos le Mentalist... Oh, je ne vous jette pas la pierre, c'est cette dite curiosité qui vous mène jusqu'à moi, et qui vous fait attendre de manière insoutenable le prochain mot que je vais coucher sur le papier - en l'occurence le clavier - comme un morceau de viande que je jetterais en pâture à des fauves. Ce disque de Deathprod j'ai longtemps attendu avant de l'aborder. La bonne humeur, le bon temps, la bonne heure, minute, seconde. Le bon alignement des planètes. Et de la même manière, j'ai longtemps attendu avant de pouvoir en parler. Le temps de m'en remettre, de prendre un peu de recul, de trouver les bons mots. Deathprod c'est l'entité ambient de Helge Sten, musicien norvégien de son état, membre des exclusifs improvisateurs Supersilent et producteur au sein de Rune Grammofon, label spécialisé dans la prise de risque jazzy et expérimentale. Eh oui il n'y a pas que le black metal en Norvège !... J'ai une certaine idée du chaos disais-je. J'avais plutôt. Dead People's Things, second titre de ce Morals And Dogma, a tout envoyé balader, l'idée et le chaos avec. Pour qu'il y ait du chaos, il faut qu'il y ait quelque chose. Sauf que, comme dirait Léo Ferré, il n'y a plus rien. Rien qu'un désolement latent et pénétrant. Ah il a bon dos le dark ambient. Plus de notion de temps au cours de ces 18 minutes. Plus de notion du tout. Tout s'arrête. Pour ne plus redémarrer. L'eau que tu te versais est maintenant suspendue au dessus de ton verre. Ni jour ni nuit. Entre les deux. Qu'est-ce que la lumière, le son ou le toucher ? Tout est à réapprendre. La respiration n'est plus automatique. Concentre-toi. Inspiration. Tout n'est plus que sensation. Fugace. Expiration. Tout s'est inversé. C'est comme si l'air était devenu toxique et nous emprisonnait, nous noyait. L'air est devenu mortel. La vie devient mort. Lente. Agonisante. Dead People's Things, c'est la vie qui s'en va, la veillée funèbre interminable, le dernier souffle de vie qui s'éteint. L'infini dans tout ce qu'il y a de plus effrayant et inavouable. Insoutenable. Les autres titres, la cave sombre et la forêt inquisitrice de Tron, le lumineux Orgone Donor n'existent plus, noyés sous cette vague comateuse qui prend tout son temps pour t'appuyer la tête sous l'eau mais te libère juste à l'instant où tu te sentais partir. Deathprod, c'est la bande-son sur laquelle Prométhée se fait bouffer le foie chaque jour.   

Funeral Mist - Salvation

2003 > Black metal/Chaos universel absolu


Vous connaissez le Big Bang ? Oui, l'espèce de gros badaboum qui se serait produit il y a très très longtemps et qui serait à l'origine de l'univers et de son évolution tel que nous le connaissons aujourd'hui. Eh bien, il semblerait qu'un big bang se soit produit ce lundi, le 13 Octobre 2014. Comment ? Vous ne l'avez pas senti ? Ce n'est pas passé le lendemain au journal de 13h de TF1 ? Ah... Ben j'imagine que cet évènement ne s'est produit que dans mon petit monde alors. Un petit monde qui s'est retrouvé chamboulé du jour au lendemain, sans préavis, au moment où j'ai pressé par 2 fois le bouton Lecture de mon iPaude (bah ouais, une fois ça suffit pas, vu qu'il commence à se faire bien vieux) pour lancer pour la première fois Agnus Dei, premier chapitre de ce Salvation. Ce n'est pas tout à fait exact d'ailleurs, ce n'était pas ma première tentative avec Funeral Mist, j'avais déjà tenté le coup une fois, mais j'avais abandonné au bout de la première piste, outré comme une bonne soeur qui voit le loup pour la première fois, par ce que je venais d'entendre - plus exactement le terme adéquat serait ce que je venais de subir auditivement. Un assaut particulièrement vicieux et cruel, oui, c'est certain, endurer ce Salvation est une épreuve. Ô toi lecteur, qui lis patiemment ces lignes, il est encore temps de reculer, rien ne t'oblige à en arriver à ces extrémités. Je t'aurais prévenu... Funeral Mist est Suédois. Il fait donc du black metal à la sauce suédoise dans la plus pure tradition suédoise. Ce qui veut dire un black labellisé "mur de son", intense, chaotique, d'une brutalité inouïe et d'une religiosité malsaine. Je ne suis pas un fana absolu de ce style de BM, l'histoire aurait pu s'arrêter là, comme elle s'est déjà arrêtée pour Marduk ou autres Ofermod. Sauf que... De la simple curiosité au départ, j'ai commencé à éprouver une certaine fascination pour cet objet, au fur et à mesure que les riffs commençaient à bien résonner dans ma boîte crânienne, et que je m'habituais au "chant" d'Arioch, arraché et abject. En cela, Across The Qliphoth a été le premier titre gravé au fer rouge dans mon esprit - Qliphoth, mot extrêmement étrange s'il en est, est le nom donné à des forces maléfiques (bah vous vous attendiez à quoi, on est dans le black ou bien) dans la Cabbale, forces opposées aux séphiroths, bande de petits curieux - mais ce n'était qu'un préambule, un amuse-gueule. Circle Of Eyes est LE titre de cet album à côté duquel vous ne pouvez passer. Totalement démoniaque et ravageur. 12 minutes d'apocalypse sonore, une ambiance de fin du monde palpable. Et surtout un contraste incroyable entre l'aspect musical incarné par ce riff dévastateur, Darkthronien en diable, cette batterie branchée en mode blast permanent et ce chant religieux froid et sévère issu tout droit d'une séance d'exorcisme. "Repentez-vous... Repentez-vous, mécréants... Le jour du jugement dernier approche..." Inutile. Il est trop tard. Nul ne peut plus être sauvé à présent, après écoute d'un tel titre - je n'ai même pas réussi à terminer l'album c'est dire. Douce ironie pour un disque nommé... Salvation.

jeudi 16 octobre 2014

Gojira - L'enfant Sauvage

2012 > Progressive metal


Gojira, un groupe qui aura su marquer une immense empreinte dans le métal progressif, digne du monstre éponyme. Je n'ai pas pu résister à l’envie de vous parler de leur cinquième album... L’Enfant Sauvage, sorti depuis 2012 saura vous faire redécouvrir le caractère brut de l’interaction entre l’humain et la nature. Plus qu’un simple appel à la méditation, les titres vous plongent dans une profonde communion avec les éléments, vous faisant ressentir la moindre poussière, le moindre bruissement et le maximum de plaisir. Pas moyen de résister à l’emprise du phénomène ! J’en veux pour preuve le fameux Born In Winter dont les sons de guitare, non pas sans rappeler des sonorités et motifs rythmiques électro, donnent une faible clarté en premier plan du morceau. Alors qu’en contraste, on se sent porter par la nébuleuse que constitue la voix calme de Joseph Duplantier, posé sur une gamme très grave. Si les riffs semblent se répéter au sein des morceaux, ils ne cessent de gagner en intensité, que ce soit en devenant plus tranchants ou en invitant d’autres sons de guitare à participer à la synergie constructive. Autre intrusion notable d’un effet dans le titre Liquid Fire, où la voix venant du background est pitchée. On retrouvera aussi une signature représentative d’une alliance parfaite entre une voix rocailleuse et des guitares qui chauffent à tel point qu’elles dégagent une fumée sordide (si, si, je vous assure). Les lignes de guitares sont ici de vraies machines infernales qui savent mener la cadence. Les descentes slidées apportent apportent une véritable contribution sur les parties les plus intenses rythmiquement. La résonance, non vomitive, confiée à la batterie permet d'apprécier au mieux l’environnement brut décrit par les titres. En bref, il s’agit là d’un album savoureux, unique en son genre où l'aigreur des guitares saura vous revigorer.

mardi 7 octobre 2014

Celtic Frost - Monotheist

2006 > [Insérez le terme de votre choix] metal/dark ambient rituel


Groggy. Oui, groggy. J'étais totalement groggy à la fin de mon premier passage sur ce disque. Un peu à l'image de ces malheureux Brésiliens qui avaient pris un blitzkrieg en pleine tronche aussi brutal qu'inattendu lors de la dernière coupe du monde et qui erraient comme des zombies sur la pelouse, le regard perdu dans le vide, se demandant ce qu'il venait de se produire. Celtic Frost n'est pas un groupe Allemand mais c'est un voisin qui en partage la langue. Vous m'excuserez cette métaphore sportive mais là c'était plus une perche qui m'était tendue mais un tronc d'arbre. Bref. Assommé. K-O debout. Assailli par ces guitares incisives qui dessinent des riffs acérés qui prennent le temps de s'égréner avec une lenteur traumatique et vicieuse, quasi cadavérique. Assailli par cette batterie monolithique et métronomique. Assailli par ces vocaux variés, qui vont du hurlement classique d'ursidé en colère à la récitation rituelle digne d'un exorcisme ou d'une oraison funèbre, en passant par les sussurements malsains ou du chant féminin du plus bel effet, réellement un des points forts du disque. C'est en 2006 que Celtic Frost décida de remettre le couvert et par la même occasion les pendules à l'heure. Non, il n'y aura pas de prisonniers et le premier morceau tonne le ton: en effet, Progeny remplit aisément le rôle d'intro tueuse. CF n'a jamais été aussi lourd. CF n'a jamais été aussi lent. Synagoga Satanae est un coup de poignard. Mais un coup de poignard qui durerait un siècle. Interminable, comme cette fin qui fait suite à une interlude particulièrement glauque alternant larsen et vocaux parlés. CF n'est pas totalement doom, pas totalement black, pas totalement heavy. Le metal des Suisses ne remplit pas totalement une case précise et navigue entre toutes ces eaux et se permet quelques incartades vers des horizons plus étranges: Obscured est un espèce de slow metallique d'une beauté indécente que l'on croirait chanté par un Nick Cave grimé en panda, A Dying God Coming Into Human Flesh joue la carte de la schizophrénie notoire en alternant chuchotements et hurlements surhumains et des parties de guitares passant de la caresse à l'incision, le triptyque met plus d'un pied dans le dark ambient avec cette première partie Tottengott que l'on pourrait croire sortie du premier Blut Aus Nord sublimée par une voix féminine et cette troisième partie Requiem qui porte décidément bien son nom. Un requiem. Un chant de mort. Une noirceur opaque. Une procession funeraire. Monotheist c'est un peu tout cela à la fois. C'est aussi une nouvelle pierre noire à l'édifice Celtic Frost. Ex Tenebris Lux.

dimanche 5 octobre 2014

Damnation Angels - Bringer of Light

2012 > Métal symphonique

Planté devant la fenêtre, face à une pluie maussade méprisant toute trace estivale, on ne peut qu’apprécier l’écoute de l’album Bringer of Light de Damnation Angels. Mon dissentiment avec la nature s’est vu, en effet, étouffé par la puissance instrumentale dégagée par les morceaux du groupe. Avec ce métal symphonique, on en vient à ne plus distinguer l’orchestre des guitares électriques, comme si la mélodie bivoque nous racontait l’histoire, le tout avec une vitesse galopante. Les interludes, d’une beauté salutaire, permettent de reprendre son souffle pour réaliser l’ampleur du désastre qui vient de s’abattre. Mais ne vous méprenez pas sur cette quiétude apparente, il s’agit simplement du calme avant la tempête. Une fois le répit achevé, Pride (The Warrior’s Way) vous montrera les ravages d’une foudre céleste faisant des turpitudes du bas monde le motif de sa colère. La clameur haletante du chanteur, mêlée aux sons culbutants de la grosse caisse, exprime toute la souffrance de ce dur jugement et semble adresser au monde un message plaintif. Les riffs, pleins de colère, se veulent entraînants, à l’image de I Hope. Une fois la haine consumée, les morceaux laissent place à une atmosphère glaciale sur laquelle quelques notes de piano prennent le relai pour relancer la ferveur du groupe. Le beau temps de retour, je vous laisse avec les sons riches de diversité de l’album.

vendredi 3 octobre 2014

Open Letter to Duke

Le 24 Mai dernier, cela faisait 40 ans jour pour jour que Edward Kennedy dit "Duke" Ellington nous quittait. Je n'ai pas vu beaucoup d'hommages à ce grand artiste sur les ondes hertziennes mais malheureusement ce n'est pas pour m'étonner, puisque lorsque je parcours distraitement les différentes chaînes, je tombe très souvent sur certains programmes que je qualifierais de simplement navrants. Bref, je rengaine mon venin et j'utilise ma plume pour louer plutôt que débiner, parlons de Duke. Pourquoi Duke d'ailleurs? Ce surnom lui vient de ses camarades de classe qui l'appelaient ainsi de par son apparence bourgeoise et les bonnes manières aristocratiques dont il faisait montre et qui lui venaient de sa mère. Et force est de constater que ce surnom lui allait à merveille y compris pendant sa carrière musicale. En effet, Duke Ellington c'est une certaine vision de la classe. La classe d'un jeu de piano élégant et raffiné qu'il a d'abord etrenné au sein de son fameux orchestre - en effet, il est l'un des chantres les plus célèbres du "big band" aux côtés de Dizzy Gillepsie et Count Basie, qu'il retrouvera d'ailleurs sur First Time ! The Count Meets The Duke, qui figure sur ma short-list plus ou moins urgente - puis au fil de collaborations prestigieuses au cours des années 60. La classe d'un homme qui composait des pièces destinées à mettre en valeur le talent de tel ou tel de ses musiciens. Mais le Duc c'est aussi et surtout sa musique - ce qui nous interesse ici - et un nombre conséquent de standards maintes et maintes fois repris et passés à la postérité: Sophisticated Lady repris magistralement par Archie Shepp sur Blasé, Cotton Tail ou In A Sentimental Mood dont une version figure sur sa collaboration en 1962 avec John Coltrane, qui vient alors tout juste d'enregistrer 2 albums qui seront des pivots de sa carrière: My Favorite Things et le fantastique Olé et qui s'offre un repos (!) bien mérité. Cette relecture, passionnante, n'est pas le seul grand moment de ce disque, monument de lyrisme et de plénitude, aussi intimiste que sa pochette peut le laisser présager, où la délicatesse du jeu de piano d'Ellington trouve un écho parfait aux notes vaporeuses soufflées par le Trane. Nous sommes alors en 1962 et la même année verra une autre fameuse collaboration entre le Duke, le contrebassiste Charles Mingus - je vous parlerai très prochainement de Blues 'n Roots, un de ses meilleurs disques et de Moanin', peut-être le plus grand titre de jazz de tous les temps, alléchant n'est-il pas? - et le batteur Max Roach. Sacrée performance que d'avoir réussi à mener les sessions jusqu'à leur terme lorsqu'on connaît le caractère pour le moins volcanique de Mingus - Roach en aurait d'ailleurs fait les frais dès les premières notes de l'enregistrement de ce Money Jungle. La plupart des compos sont signées Ellington et le résultat est assez surprenant et inédit: aucun autre musicien de session n'a été réquisitionné et on a donc droit à un disque exclusivement composé de contrebasse, piano et batterie! La classe pianistique d'Ellington constitue ainsi la pierre angulaire de cet enregistrement, à l'ambiance feutrée, qui swingue à donf mais n'oublie pas cependant de se ballader (Fleurette Africaine, Warm Valley). Money Jungle et Duke Ellington & John Coltrane, deux disques qui constituent donc une parfaite porte d'entrée, au même titre que Blues In Orbit ou Ellington at Newport, à l'univers du pianiste et par extension à une certaine vision du jazz, très fifties et en noir et blanc, où Sinatra, son chapeau vissé sur la tête n'est pas loin, accoudé sur un bar, un whisky posé sur le comptoir à portée de sa main, une ambiance digne d'un bon vieux classique français du style Ascenseur Pour L'Echafaud à la bande-son signée Miles Davis.