vendredi 3 octobre 2014

Open Letter to Duke

Le 24 Mai dernier, cela faisait 40 ans jour pour jour que Edward Kennedy dit "Duke" Ellington nous quittait. Je n'ai pas vu beaucoup d'hommages à ce grand artiste sur les ondes hertziennes mais malheureusement ce n'est pas pour m'étonner, puisque lorsque je parcours distraitement les différentes chaînes, je tombe très souvent sur certains programmes que je qualifierais de simplement navrants. Bref, je rengaine mon venin et j'utilise ma plume pour louer plutôt que débiner, parlons de Duke. Pourquoi Duke d'ailleurs? Ce surnom lui vient de ses camarades de classe qui l'appelaient ainsi de par son apparence bourgeoise et les bonnes manières aristocratiques dont il faisait montre et qui lui venaient de sa mère. Et force est de constater que ce surnom lui allait à merveille y compris pendant sa carrière musicale. En effet, Duke Ellington c'est une certaine vision de la classe. La classe d'un jeu de piano élégant et raffiné qu'il a d'abord etrenné au sein de son fameux orchestre - en effet, il est l'un des chantres les plus célèbres du "big band" aux côtés de Dizzy Gillepsie et Count Basie, qu'il retrouvera d'ailleurs sur First Time ! The Count Meets The Duke, qui figure sur ma short-list plus ou moins urgente - puis au fil de collaborations prestigieuses au cours des années 60. La classe d'un homme qui composait des pièces destinées à mettre en valeur le talent de tel ou tel de ses musiciens. Mais le Duc c'est aussi et surtout sa musique - ce qui nous interesse ici - et un nombre conséquent de standards maintes et maintes fois repris et passés à la postérité: Sophisticated Lady repris magistralement par Archie Shepp sur Blasé, Cotton Tail ou In A Sentimental Mood dont une version figure sur sa collaboration en 1962 avec John Coltrane, qui vient alors tout juste d'enregistrer 2 albums qui seront des pivots de sa carrière: My Favorite Things et le fantastique Olé et qui s'offre un repos (!) bien mérité. Cette relecture, passionnante, n'est pas le seul grand moment de ce disque, monument de lyrisme et de plénitude, aussi intimiste que sa pochette peut le laisser présager, où la délicatesse du jeu de piano d'Ellington trouve un écho parfait aux notes vaporeuses soufflées par le Trane. Nous sommes alors en 1962 et la même année verra une autre fameuse collaboration entre le Duke, le contrebassiste Charles Mingus - je vous parlerai très prochainement de Blues 'n Roots, un de ses meilleurs disques et de Moanin', peut-être le plus grand titre de jazz de tous les temps, alléchant n'est-il pas? - et le batteur Max Roach. Sacrée performance que d'avoir réussi à mener les sessions jusqu'à leur terme lorsqu'on connaît le caractère pour le moins volcanique de Mingus - Roach en aurait d'ailleurs fait les frais dès les premières notes de l'enregistrement de ce Money Jungle. La plupart des compos sont signées Ellington et le résultat est assez surprenant et inédit: aucun autre musicien de session n'a été réquisitionné et on a donc droit à un disque exclusivement composé de contrebasse, piano et batterie! La classe pianistique d'Ellington constitue ainsi la pierre angulaire de cet enregistrement, à l'ambiance feutrée, qui swingue à donf mais n'oublie pas cependant de se ballader (Fleurette Africaine, Warm Valley). Money Jungle et Duke Ellington & John Coltrane, deux disques qui constituent donc une parfaite porte d'entrée, au même titre que Blues In Orbit ou Ellington at Newport, à l'univers du pianiste et par extension à une certaine vision du jazz, très fifties et en noir et blanc, où Sinatra, son chapeau vissé sur la tête n'est pas loin, accoudé sur un bar, un whisky posé sur le comptoir à portée de sa main, une ambiance digne d'un bon vieux classique français du style Ascenseur Pour L'Echafaud à la bande-son signée Miles Davis.

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