dimanche 17 juillet 2016

The Cure - Pornography

1982 > Post-punk/Gothique/Terminus


"Alors souris à la vie, gars". Ca, c'est un comz dont j'ai eu droit sur Facebook comme quoi je souriais pas assez sur une de mes photos de profil. C'est amusant dans un sens. J'ai songé à la tronche qu'aurait tirée Robert Smith en 1982 si un mec lui avait dit ça lors d'un backstage ou d'une conversation privée. "Hey mec, pourquoi t'es déprimé comme ça, pourquoi tu te grimmes en vieux Joker bourré et délabré ? Enjoy, gros, la vie est belle !" 2 réponses possibles: soit le mec se serait fait renvoyer dans les roses séance tenante à coups de "Va te faire foutre" gratuits ou d'une superbe ignorance, soit 2 câbles se seraient connectés dans la caboche crâmée par les drogues du vieux Smith et qui sait, peut-être serait-il parti élever des chèvres en Patagonie dans un élan hippie sincère, bien avant que Florent Pagny ne balance sa télé et son frigo, peut-être aurait-il rejoint Captain Beefheart dans le désert de Mojave, le croisant tous les matins en allant chercher son journal imaginaire déposé par un postier mirage dans sa boîte aux lettres, ou alors se serait-il retiré dans un couvent tibétain, qu'en sais-je ?
Ce que je sais, en revanche, c'est qu'il aurait été dommage pour les Cure d'en rester à Faith alors qu'ils n'avaient pas encore terminé de creuser leur tombe, il y aurait eu comme un petit goût d'inachevé. Car oui, Pornography - au passage, si vous cherchez des informations sur ce disque, n'oubliez pas d'accoler les mots "Cure" ou "band", à fortiori si vous êtes au taff - est le point final de la trilogie Cold wave des Cure, entamée à l'orée des années 80 avec Seventeen Seconds. Un point final sans plus aucune trace de lumière ni d'espoir. La pochette est passée du terne au sombre, majoritairement noire. La photo du groupe est floue, distordue, une main décharnée semble demander de l'aide depuis un enfer incertain et précaire. Mais sont-ce encore les Cure ? Rien n'est moins sûr. Le contenu, à présent solidement ancré gothique, n'est que ruine et désolation (à part Short Time Effect qui détonne un peu et dont l'absence n'aurait même pas été remarquée) mais avec un aspect torturé et menaçant nettement plus marqué. En cela, les 2 vers aux extrémités de l'album sont assez symptômatiques de cet état d'esprit jusqu'au boutiste et profondément malade: "It doesn't matter if we all die", "I must fight this sickness, find a cure".
Pornography s'apparente ainsi à une lutte contre un démon et ne semble être que la recherche désespérée d'une hypothétique échappatoire à une ennemi visible ou non; le labyrinthe de Shining, le Horla ou Cerbère, réveillé par les hurlements de la guitare de One Hundred Years, appâté par la carcasse encore fumante de The Figurehead et hypnotisé par le lancinant Cold, le plus grand titre des Cure toutes époques confondues. La piste éponyme placée en fin de course - une habitude sur la trilogie - est la dernière cicatrice bruitiste d'un accouchement extrêmement douloureux et qui faillit provoquer l'implosion du groupe.
Car oui, Pornography est un album comme animé d'un feu intérieur inaltérable mais c'est aussi et surtout un point de non-retour, la bande-son de l'instant où Orphée, émergeant des Enfers avec Eurydice, se retourna.  

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