dimanche 10 juillet 2016

Dødheimsgard - A Umbra Omega

2015 > Black metal/Progressif/Avant-garde/Post-Black metal



1h c'est à peu près la durée d'un vol Paris-Nice. Quoique, je n'en suis pas vraiment sûr, remarquez, l'heure d'arrivée n'étant pas inscrite sur mon billet Easyjet et je n'ai pas regardé ma montre au départ. Une heure. Le temps pour certains de s'envoyer 2 fioles de spiritueux - ou Jack Da pour les non-snobs - à près de 1 euro le centilitre le tout accompagné de glaçons dont on serait presque étonné qu'ils soient gratuits - maintenant que j'y resonge ils n'étaient peut-être qu'un seul dans le verre, ce qui expliquerait ce formidable élan de générosité - ou pour d'autres de faire un petit tour par la case chiottes en emmenant une paire de lunettes à la main, on se demande bien pour en faire quoi, tant il paraît compliqué de ne pas retrouver le loquet ou le papier dans une boîte exigüe de 1m sur 0,5m. Pour lire un journal, me direz-vous. Certes, vous répondrais-je, mais seulement page par page et en le déployant avec une infinie précuation afin d'éviter de faire un trou béant dans la cloison avec son coude ou de glisser de son trône en essayant de ramener les pages rebelles au bercail et se retrouver comme une tortue piégée sur le dos. J'exagère, tout n'est pas négatif à ce point, les hôtesses et stewarts sont plutôt sympas et assez contientieux pour se ridiculiser sur la chorégraphie de mise en situation du gilet de sauvetage avec le sourire et une classe certaine - digne des Village People et de YMCA. Et puis 1h, ce n'est pas si long après tout: à peine le temps de respirer entre la fin du décollage et le début de la descente. Ou de s'envoyer le dernier Dødheimsgard, qu'une mutation récente a transformé en DHG, dont les dernières notes de piano qui le closent, réminiscence de Satanic Art ou de l'ouverture de Shiva Interfere sur 666 International ont résonné à l'atterrissage.

A Umbra Omega a tout du serpent de mer: les 6 titres qui le composent sont insaisissables et proprement impressionnants. Leur longueur bien entendu (> 10 minutes pour 5 d'entre eux) mais aussi et surtout leur construction et leur structure. Aussi alambiqué que peut l'être Mayhem mais l'aspect chiant en moins. Mais surtout, réduire A Umbra Omega à un simple album de black metal serait une totale erreur. Bien sûr, il en porte les signes, voire les stigmates, distinctifs, Norvégiens et reconnaissables entre mille mais ils sont dilués, cachés comme pour brouiller les pistes: les breaks sont incessants jusqu'à vous donner le tournis, les blasts sont rageurs mais ne s'éternisent jamais, les riffs sont - outre le fait d'être présents par milliers et tous bons - déroutants, tour à tour tétanisants ou allant taper dans le post-punk de Wire, époque 154, proche en cela des travaux de Ved Buens Ende dans lequel a également joué Vicotnik, ou même chez les Pixies comme sur God Protocol Axiom au parfait nom de programme d'ordinateur. Enfin, la voix ne se contente pas d'être arrachée puisqu'on est ici en présence d'Aldrahn qui livre en tous points une prestation époustouflante. La palette de sa voix s'avère immense: hurlements stridents, déclamation puissante, gémissements, voix claire lyrique ou rocailleuse - David Bowie ou Tom Waits grimmés en pandas - choeurs, tout y passe.

A Umbra Omega est donc un album de musique, belle et riche, un ovni entre black metal, progressif, gothique et metal avant-gardiste, comme le fut 666 International avant lui, où le piano est désormais de retour en même temps que trompettes, saxophones, passages acoustiques et synthétiseurs 70's font leur entrée et que la basse devient omniprésente, un parfait maëlstrom de sensations qui trouve son apogée sur le premier extrait et single Aphelion Void, présent juste après l'éclair aveuglant de lumière qui fait office d'ouverture Love Divine ou sur des moments absolument sublimes et magiques qui illuminent certains titres bien entendu trop longs tels que la 3° minute de The Unlocking ou l'instant situé entre les 2° et 4° minutes de Blue Moon Duel.

Grandiloquent, prétentieux, presque hautain, A Umbra Omega et de là Aldrahn et Vicotnik ses géniteurs - qui n'hésitent d'ailleurs pas à jouer avec les silences et à se réduire en duo le temps de quelques passages, toujours de qualité - souffre tout simplement du complexe de Dieu. Tel un César regardant fièrement depuis son pied d'estale son armée briser toute résistance ennemie, nos 2 compères observent à distance le monde qui est en train de se construire sous leurs yeux à partir de la première pièce qu'ils ont posée tel un puzzle en 3 dimensions.

On reconnait un grand disque à la capacité qu'il a à vous harceler des jours durant. Et A Umbra Omega, de ce point de vue-là, en est assurément un. La très grosse baffe du début d'année 2015. 

2 commentaires:

  1. Je viens d'écouter Blue Moon Duel et j'ai rarement entendu de telles variations au sein d'un même morceau. Ça dégage quelque chose de cinématique. Il faut attraper les transitions comme des trains en marche.

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  2. Cinématique ou sinusmatic ? Là est la question...

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