samedi 27 décembre 2014

King Crimson - Red

1974 > Progressif/Jazz/Metal/Hard prog/5 Star(less)s


Cet instant est magique. Cet instant où l'on arrive à la dernière piste de cet envoûtant Red est magique. Cet instant où les premières notes de ce divin Starless résonnent en nous est magique. L'écoute des 4 premières pistes pouvait nous laisser présager d'une fin extraordinaire comme cela mais même dans nos rêves les plus fous, ce n'était pas aussi organique ou orgasmique. Car oui, le morceau titre, lourd et vénéneux, est d'une oppression assez frappante, Fallen Angel est magnifique, irradiée par la voix si caractéristique de John Wetton et par l'utilisation à bon escient d'instruments à vents, One More Red Nightmare est à la fois lumineuse et rampante, avec sa fin abrupte, ses percussions aquatiques et ces interventions fort à propos au saxophone et Providence installe un sentiment de malaise encore plus prononcé et renvoie directement à Starless And Bible Black, l'album précédent. En fait, tout le disque ne semble avoir été pensé que dans l'intention de préparer au mieux cette fin, où toute la majesté du roi cramoisi se dévoile. Organisé en 4 parties, ce voyage initiatique que nous propose le guitariste et leader Robert Fripp et sa bande nous fait traverser par toute une palette d'émotions: la mélancolie avec ce début tout en douceur où cohabitent mellotron et chant hypnotique de Wetton puis la tension avec cette basse qui claque comme un fouet et cette guitare qui cisaille des notes aussi tranchantes qu'une machette, tour à tour graves ou montant inexorablement dans le plus effroyable des aigus jusqu'à finalement exploser dans un déluge d'électricité. Ce n'est plus une guitare que tient Robert Fripp mais une arme de destruction massive sonore. Et alors qu'on se croyait perdu, c'est soudain le saxophone qui prend le relais pour un espèce de jam totalement débridé avant le dernier mouvement, le plus monstrueux de tous. Celui-ci surgit lorsque le saxo se met à reprendre le thème introductif, pour boucler la boucle et nous ramener brutalement à la réalité. Une quatrième partie tout simplement prodigieuse. Cet instant restera magique. Un jour de Juillet 2012, dans l'après-midi, moment où j'ai réalisé combien le progressif pouvait être grand et transcendant restera magique. King Crimson ne se remettra jamais vraiment de ce morceau, annonçant la mise en sommeil de l'aventure - ce ne sera que provisoire, le phénix renaîtra de ses cendres pour une nouvelle vie plus axée new wave - avant même la sortie de Red. 38 ans après, on ne s'en remet toujours pas non plus. Starless, ou un des titres les plus marquants du siècle. Ni plus, ni moins. Pour un album qui n'est pas en reste.  

mercredi 24 décembre 2014

White Cross - Fascist EP

1982 > Hardcore/Thrashcore


White Cross est un obscur groupe hardcore/thrashcore qui nous vient de Richmond, U.S.A. et à la durée de vie aussi courte que leurs chansons. Cet EP est leur première release sortie en 1982. Le premier mot qui me viendrait en tête pour parler de cet enregistrement est approximatif, à l'image de ce son, absolument horrible et grésillant, et qui pourrait bien être rédhibitoire pour certains d'entre vous - surtout si vous l'écoutez au casque -, ce que je ne pourrais blâmer. Malgré cela, les compos tiennent la route, pour peu qu'elles durent plus de 5 secondes (cf Fascist: 10 secondes au compteur): le mid-tempo American Way ou le très bon Jump Up, qui sera par ailleurs repris magistralement par Socialcide. La fin du disque est malgré tout moins intéressante et la qualité va decrescendo. Honnête, sans plus. A noter la pochette, extrêmement glauque et du plus bel effet.

dimanche 14 décembre 2014

Queen - Innuendo

1991 > Hard rock/Pop/Crépuscule


La fermeture d'un disque fait partie de ces petits détails qui à priori ne revêtent pas une si grande importance. Pourtant, si elle est réalisée avec soin, elle peut faire passer un album de moyen à bon ou de bon à excellent. Les puristes crieront au chipotage c'est évident, mais ceux qui écoutent un disque avec leurs tripes et l'esprit aux aguets comprendront de quoi je parle. Il s'agit de pondre une fermeture avec une personnalité si forte qu'elle permette de se souvenir précisément de l'écoute comme si elle avait été gravée au fer rouge dans votre esprit. Les quelques secondes qui précèdent le silence final sont également très importantes, si la fin est trop abrupte, cela dessert la démarche. En ce sens, si je fouille dans ma tête, 2 chansons miroir typiquement labellisées "fin de ouf" me viennent en tête (même si Astronomy de Blue Öyster Cult frappe à la porte), A Day In The Life des Beatles et l'épitaphe de Queen, The Show Must Go On. Mais si les 2 titres possèdent ce crescendo insoutenable jusqu'à ce fade-out libérateur, le second nommé possède cette dimension si dramatique et inéluctable qui l'amène à prétendre naturellement au rang de meilleure fin de disque de tous les temps. Car ici, ce n'est pas seulement Innuendo qui se termine, album de bonne facture s'il en est, c'est l'existence de l'aventure Queen et plus précisément celle de Freddie Mercury qui s'arrête brutalement. Les paroles sont limpides: "I have to find the will to carry on with the show", "Inside my heart is breaking" et font de ce morceau un véritable testament et un pur moment déchirant et épique, où l'espoir et la résignation sont mêlés, digne du dénouement des plus grandes tragédies littéraires. Queen, et par extension Freddie Mercury dont la nature profonde est si théâtrale (souvenez-vous, Bohemian Rhapsody), ne pouvaient baisser le rideau que de cette manière-là.      

mercredi 26 novembre 2014

Tom Jones - Duck Dodgers Theme

2003 > Serie Soundtrack/Crooner/007 Style


Moi, je suis un grand fan des Looney Tunes - de Luney Tune d'Alice Cooper aussi mais là n'est pas la question. Non, mais ce que je veux dire c'est que je suis TOUJOURS un grand fan des Looney Tunes. Pas plus tard qu'il y a 2 jours, je me suis envoyé une douzaine d'épisodes, ça coûte pas cher: 6 minutes par unité et puis c'est toujours plaisant de retrouver Daffy Duck, Bugs Bunny ou Porky Pig (Quoi, quoi ? Comment ça il faut que je grandisse ? Mais euh...). Ces épisodes que j'avais par camions, sous forme de VHS, usées jusqu'à la moëlle, certaines n'ayant même plus de capot - d'ailleurs, coin petites annonces, si vous avez un magnétoscope à fourguer, n'hésitez pas à m'en faire part. Mais qui marchaient encore cela dit, malgré que ça se brouillait au bout du 10ème film ou qu'il n'y ait plus de son. Bref. Lorsqu'il y avait du cartoon sur la 3, vous pouvez être certain que votre serviteur n'en manquait pas une minute. Quand bien même c'était à 6h du matin un dimanche. Qu'importe ! Juste avant, il y avait Euronews, j'étais au courant des dernières nouvelles en Allemagne, de la bourse mondiale et de la météo en Pologne. Vous parlez d'une chance. Douce époque... Un jour, il est passé un épisode que je n'avais pas dans ma collection et qui compte parmi mes préférés aujourd'hui, "Duck Dodgers au 24ème siècle et demi". Un épisode où Daffy incarne un héros interspatial qui est chargé, en compagnie de son fidèle et zélé cadet de l'espace de revendiquer une planète au nom de la Terre, planète qui recèle la dernière réserve de molécules de mousse à raser de l'univers. Opposés dans leur quête à Marvin le Martien et rivalisant de moyens pour arriver à leur fins, il est difficile de ne pas voir dans ce cartoon sorti en 1953 une satire de la guerre froide et de la course aux armements. Bien des années plus tard - 50 pour être précis, cet épisode a été la base de la création d'une série animée consacrée aux aventures intersidérales de Dodgers. Une série très réussie jusque dans son générique. Musicalement arrangé par les Flaming Lips, groupe alternatif américain des 80's que je ne connais que de nom et interprété par Tom Jones. Oui MONSIEUR Tom Jones, sosie officiel de Julien Lepers quand il n'oublie pas de se raser. 'Aaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhh Tom, je veux ton corps !!!!!!!!' Du calme, les filles, il chante pas Sex Bomb là, seulement les histoires d'un canard. Je me demande d'ailleurs pourquoi il a accepté ce projet mais bien lui en a pris. Son interprétation de crooner sur une musique qui n'est pas sans rappeler les BO de James Bond est en tout point magistrale avec comme point d'orgue un final absolument époustouflant. Bien sûr, voir Jones à ce niveau n'est pas une surprise, je savais que le bonhomme avait une belle voix et savait s'en servir mais là je dois dire que j'ai presque réussi à éclipser le cliché que j'avais de lui, celui d'un ringard chantant des textes obscènes à des minettes en chaleur. Ce titre a en outre gagné le prix du meilleur générique d'une série animée télévisée en 2005 ce qui est tout sauf immérité. Bon qu'est-ce que vous foutez encore là ? Filez m'écouter ce joyau sur Youteub !

lundi 24 novembre 2014

Pink Floyd - The Endless River

2014 > Rock/Atmos/Comeback


The Endless River, c'est un peu l'album que l'on n'attendait plus. Depuis 1994, date de sortie de The Division Bell, on s'était fait une raison en se disant que c'était un legs somme toute honorable doublé d'une épitaphe à la hauteur de la réputation et de la carrière du groupe (High Hopes). Il y a bien eu un petit frémissement en 2005, lorsque les tensions entre Waters et les membres du Pink Floyd new look furent mises de côté le temps d'un concert caritatif, le Live 8, réminiscence du Live Aid de 1985. Je me souviens même que je l'avais maté en live, ce soir-là, très tard dans la nuit - et oui, j'étais très grand fana du Floyd à cette époque et il faut croire que cela ne s'estompe pas. On se prit alors à rêver d'un nouvel album avec le line-up de légende mais ce n'était qu'un feu de paille, l'enthousiasme fût bien vite douché. Roger continua son petit bout de chemin, jouant "son" Wall, Dave sortit On An Island. Bref, chacun suivait sa route. On croyait même PF définitivement mort et enterré lorsque le claviériste historique Rick Wright prit la poudre d'escampette en 2008, réduisant la force vive de Pink Floyd à 2, duo consititué de David Gilmour et Nick Mason. Et puis... L'impensable se produisit. En Mai dernier, il fût dévoilé qu'un nouvel album de Pink Floyd verrait le jour en fin d'année. Enfin un nouvel album, pas vraiment en fait puisqu'il s'agissait de matériel qui avait été mis de côté lors de l'enregistrement de The Division Bell, ressorti des cartons, retravaillé et réarrangé avec ajout de guitares et de batterie. Mais tout de même, quelle nouvelle ! La date du 10 Novembre fût aussitôt cochée sur le calendrier. Le temps passa... Et puis l'heure de s'envoyer la galette sonna. Alors verdict ? Je commencerais mon plaidoyer en soulignant que The Endless River est un album pratiquement instrumental dans son ensemble, excepté sa conclusion Louder Than Words, peu savoureuse et moins efficace dans son rôle d'épitaphe que High Hopes, où les claviers occupent une place prépondérante ce qui est somme toute logique puisque le skeud se voulait une sorte d'hommage à Wright. Le premier sentiment qui vient en tête à l'écoute du disque, une fois passée l'introduction inutile Things Left Unsaid, c'est que cela sent le réchauffé - même le repompé sur It's What We Do, sorte de mélange incestueux entre Shine On You Crazy Diamond et Welcome To The Machine - mais c'est suffisamment bien exécuté pour que cela soit efficace et qu'on se laisse entraîner, à fortiori si on est fan hardcore du groupe. Et puis après tout c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes, apparemment. Sum, Skins, Unsung, Allons-y (2), Eyes To Pearls sont autant de pièces atmosphériques et plaisantes qui s'enchaînent naturellement et constituent de parfaits prétextes à se délecter du phrasé guitaristique si particulier de Gilmour. The Endless River ce n'est sûrement pas la splendeur qu'on nous vend dans la pub télévisée, mais ce n'est pas non plus la purge que certains veulent nous asséner avec véhémence. C'est un disque sans prise de risque - ou de tête, douillet pour les cages à miel, confortable.      

vendredi 14 novembre 2014

Stan Getz & João Gilberto - Getz/Gilberto

1964 > Bossa nova/Latin jazz


Dès les premiers notes de la chanson d'ouverture, au titre mythique s'il en est - à savoir The Girl From Ipanema, on sait qu'on va passer un savoureux moment en compagnie de Stan Getz et João Gilberto. Le Brésilien ciselle de ses doigts des accords cotonneux sur sa guitare, sur lesquels se greffent sa voix ou celle de sa femme, aussi éthérées l'une comme l'autre et chantant des textes majoritairement en portugais que l'on devine légers. Le saxophone de Getz et le piano de Jobim, compositeur de la plupart des morceaux, viennent compléter cette formation qui crée instantanément une ambiance solaire et feutrée et qui nous transporte quelque part sur une plage du Brésil ou quelqu'autre île, un chaud soir d'été, seulement balayé par une douce brise, assis sur le sable bouillant, regardant le coucher de soleil en compagnie d'une charmante muse toute acquise à notre cause, à laquelle on se plaît à raconter des histoires ou refaire le monde, la tenant par la main pendant que l'autre est caressée par le creux des vagues. Sur la table, à côté, un Cuba Libre, orné d'un citron vert, symbole parfait de ce disque, un délicieux fruit, exotique bien entendu, dans lequel on croque sans modération aucune. 

Celeste - Misanthrope(s)

2009 > (Post-)Hardcore/Black metal/Ultraviolence sournoise


Faut quand même admettre: c'est plutôt une musique d'hommes... Ah ça c'est certain. Monsieur Fernand ou Lino Ventura si vous préférez aurait très bien pu parler de Celeste en ces termes. Et brut de décoffrage par dessus le marché. Pas d'intro, truc ambient, heroic fantasy ou autre manifeste, que nenni. Ca tombe du ciel d'entrée sous forme de déluge de crasse et de violence et ce, sans quelconque préavis. Juste cette pochette, énigmatique dans son cri et sa souffrance figés et ce titre très évocateur. Misanthrope ça pour sûr cet album l'est. Une haine opaque impressionnante de noirceur se dégage de ces 9 brûlots extrêmement ronds et incandescents aux titres gorgés de sous-entendus qui brillent par leur explicité crue pour celui qui parle ou simplement comprend la langue de Molière. Celeste c'est une musique dangereuse. Une musique que personne avec un peu de bon sens ne devrait écouter. Une musique qui devrait être interdite comme le fut Black Flag en son temps. Une musique qu'on écoute en cachette comme on regarde en secret son gangbang sado-masochiste hebdomadaire avec un sentiment de dégoût compulsif. Ca diffuse son voyeurisme sans vergogne ni sentiment. Ca balance son pessimisme sur le coin de la gueule sans pudeur aucune. Un goût de dégueulasse. Un saut dans les immondices et autres pourritures express. Un goût de violence en tout genre. Celeste PRATIQUE la violence. L'ultraviolence même. Et avec une facilité et un naturel déconcertants. Désarmants. A coup de riffs agressifs aux relents beumeu. De vocaux screamo importés directement des tripes à l'appellation d'origine contrôlée. De breaks totalement meurtriers. De parties mid-tempo toxiques. De batterie discrète, tapie dans l'ombre mais avec des cymbales omniprésentes comme des vagues de merde qui reviennent inexorablement. De longueurs maladives. Mais écoutez donc le sixième titre, Mais Quel Plaisir De Voir Cette Tête D'enfant Rougir Et Suer, 9 minutes au compteur ! Et si vous arrivez à ne pas imploser, alors continuerai-je ma prose maladroite et grandiloquente. - Interlude, j'ai peut-être pas droit aux images mais ça n'empêche que je suis capable de décrire un paysage bucolique avec une vache qui broute au premier plan. Non mais puisque vous en doutez, imaginez-le vous par vous-même. Ou plutôt non, l'interlude parfaite ici est un coq (cocorico, Celeste est français) pris dans une marée noire. Vous voyez l'image ? Parfait. Alors ce sixième titre ? Ca va pas fort hein ? C'est plein à ras bord. Comme toi un vendredi vers 1h du mat. Ca pourrait déborder d'un instant à l'autre. Trop de lourdeur, de syncopes, de malaise, de non-dits, de sang qui afflue dans les veines. Trop de crises cardiaques. Trop d'images qui défilent. Epileptique. Trop de trop. Ca suffit maintenant. On arrête les frais, les convulsions et toute cette folie. On éteint la lumière. De toute façon, il n'y en avait plus tant que ça. Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle... On s'écrase. (En demandant respectueusement pardon pour son insolence). 

vendredi 7 novembre 2014

Deftones - White Pony



2000 > Experimental rock/Alternative metal

Un épais brouillard crépusculaire achève de napper les derniers lambeaux de terre jusqu’alors épargnés par la clarté ténébreuse et le froid paralysant qui accompagnent l’arrivée oppressante de la nuit. Surgit alors, brusquement, un poney blanc qui s’aventure à vive allure en direction de ce qui semblait être une prairie avant la venue des nuages. Qui sait, en effet, ce qui se trouve par-delà cette barrière visuelle, véritable artefact qui forme un Digital Bath. Sans être de ceux qui pensent que les arbres dansent lorsque l’on a le dos tourné, il faut reconnaître que le spectacle fait gamberger l’imagination. Peu importe ce qu’il y a au-delà, les ultimes rayons de soleil sont étouffés par la brume et il faut alors se laisser porter par ses sens. C’est en tout cas l’intime conviction que l’on peut avoir concernant la course folle de ce valeureux poney, puisant dans cette aura la motivation pour galoper jusqu’aux limites de l’univers. La nuit tombée, le brouillard, mû par la brise et éclairé par la lune, semble maintenant laisser entrevoir une échappatoire mais sitôt que l’on se dirige vers une issue, celle-ci s’obscurcie pour en dévoiler une autre. Le monde semble ainsi n’être qu’un gigantesque labyrinthe, véritable terrain de jeu pour les animaux nocturnes comme Street Carp. Soudain un cri exténué, mais malgré tout ininterrompu, se fait ressentir, celui de Knife Party, provenant tantôt d’une direction, tantôt de l’autre. Accablé par cette omniprésence, il devient évident que ces plaintes ne proviennent pas d’êtres physiques. Un point noir se rapproche dangereusement. Une voiture qui déboule de nulle part ! La portière arrière s’ouvre et laisse place à un spectacle saisissant : personne présent à l’intérieur, aucune commande, de sorte que l’occupant n’ait absolument aucun contrôle. La portière claque subitement, les pneus crissent dans l’effroi, transportant leur Passenger loin de ces contrées inquiétantes. Le véhicule semble dorénavant rouler à tombeau ouvert conférant ainsi au brouillard des couleurs de pierre d’opale. La vitre se baisse et laisse alors pénétrer un air soporifique dans l’habitacle. Le tumulte urbain grandissant dissipe alors cet effet anesthésiant. Il s’agit certainement de la Korea. 
Voilà mon histoire sur cet album génial de Deftones. Et vous, quelle sera la vôtre ?

Primus & the Chocolate Factory


2014 > Funk/Avant-garde

Les albums de Primus sont faits pour ceux qui aiment dérouler une histoire sous le roulement des notes de la basse, ligne directrice qui vient s’enrober comme du miel autour de la rythmique de la batterie. Dans leur style, ces deux instruments ne font vraiment qu’un, comme s’il agissait d’une percussion inventée par le groupe : la basstrie. En s’affranchissant de bariolages qui ne viendraient qu’encrasser la rythmique principale, le registre apparait parfois même épuré. Nul besoin de trop en faire pour dégager la puissance musicale avec un riff qui semble aussi impossible à stopper qu’un satellite en orbite. Les morceaux expriment simplement l’urgence comme pourrait l’incarner un titre phare comme Here come the bastards. Leur nouvel album présente une structure toujours aussi rythmée mais il semblerait que l’urgence ait laissé place à une atmosphère juste flippante. Sur Pure Imagination de leur dernier album Primus & the Chocolate Factory, des chants fous et amusés apparaissent par intervalles et rappellent que le ton est toujours le fun. L’univers contes et bonbons se fait résolument sentir. Les morceaux sont enrichis par des dissonances qui se veulent troublantes mais addictives, fidèles à la recette traditionnelle de Primus. C’est là également qu’est leur signature : jouer un coup de poker avec une combinaison de notes perdantes, prôner l’improbable, voire l’incongru. L’usine Primus nous confectionne une friandise qui n’a de commun avec le chocolat que l’apparence et dont la seule gourmandise est la curiosité portée sur son goût. Y trouvera-t-on des morceaux de piments séchés ou encore des carottes ? Pourquoi pas ! En revanche, vous pouvez oublier la conception classique du cacao. Ici, on est même gâté avec des interludes aux effets de guitare tout aussi originaux que la mélodie. Golden ticket ouvre lui aussi la porte à des sons qui donnent un décor de film à l’album. Décidément, on ne peut qu’encourager Primus à explorer de nouveaux registres. Une légende urbaine raconte que Primus aurait même été jusqu’à cacher cinq vinyles d’or dans leur Chocolate Colored Vinyl pour gagner des places de concert à vie.

JFA - JFA 12"

1984 > Hardcore/Skate punk


Et pour faire suite à mon manifeste précédent, la voilà la première kro necro-punk ! Et je vous prie de croire que ce ne sera pas la dernière vu le nombre de groupes que j'ai à vous présenter, bande de petits veinards ! Allez c'est parti. JFA (comprenez Jodie Foster's Army) est un obscur groupe de hardcore punk américain originaire de Phoenix en Arizona. Malgré leur relatif anonymat, ils ont été avec les Big Boys un des groupes pivots dans le développement du skate punk ce que l'on peut constater en jetant un oeil à la pochette de Blatant Localism, leur premier EP qui date de 1981. Leur principale originalité (pour se démarquer dans cette scène alors très vivace à l'époque) consistait à injecter des instrumentaux surf rock dans leur musique. Ce 12", sorti en 1984, est leur deuxième album complet, aussi connu sous le nom de Untitled 12" et opère un revirement palpable, perceptible jusque dans sa pochette, sombre, où on ne devine que des silhouettes là où Blatant Localism faisait preuve d'une certaine juvénilité insouciante. En effet, leur hardcore punk, somme toute assez basique, s'est considérablement obscurci jusqu'à devenir un post-hardcore glauque, presque gothique et très mélodique. Ce virage peut s'entendre sur des titres comme Tentpeg ou The Day Walt Disney Died, devenus alors bien trop sophistiqués pour du hardcore au sens propre du terme. JFA n'oublie cependant pas ses racines et opère donc des accélérations bien senties (l'excellent Ramp Song) ou d'inévitables interludes surf (Pipetruck, Standing On The Verge). Alors certes c'est parfois un peu bancal (pénible Zimbobway) mais cela reste honorable et tout à fait recommandable, jusqu'à s'extirper de la nasse ne serait-ce que grâce à l'instrumental ABA, meilleur titre et de loin, totalement tueur et accrocheur, avec cette mélodie imparable et cette guitare acoustique utilisée à bon escient. Et puis de toute façon, c'est bien trop court (un petit quart d'heure) pour avoir le temps de simplement susciter l'ennui.

Manifesto: Necro-punk

Le punk, ce n'est pas qu'un cliché. Ce n'est pas qu'une histoire de gros bras et de bastons dans des clubs miteux avec des bières bon marché et des verres qui volent à haute vitesse. Ce n'est pas qu'une histoire de crachats et de décibels à pleine puissance. Ce sont des jeunes gens qui ont utilisé la provocation et le refus de la bienséance pour tenter de donner un bon coup dans la fourmilière. C'est l'histoire d'une locomotive prenant la forme de 2 concerts des Sex Pistols à Manchester qui ont engendré une formidable poussée créatrice. Morrissey, LE Morrissey des Smiths ainsi qu'une majeure partie de ce qui deviendra Joy Division y étaient. C'est l'avènement du Do It Yourself: fanzines et labels créés à la main, singles auto-produits, fringues récupérées et diverses épingles à nourrice.
Le punk, ce n'est pas qu'un genre. Ce n'est pas que 3 notes sur une guitare et 2 phrases en guise de paroles. C'est une question de feeling. C'est un question d'attitude et de spontanéité plus que de réel talent. C'est commencer par jouer devant 3 personnes, sortir un single et puis splitter pour laisser la place aux suivants. C'est le point de départ d'une toute nouvelle vision de la musique qui engendrera bien des rejetons, qu'ils rivalisent dans la violence (hardcore, d-beat, crust) ou cherchent simplement une nouvelle manière de faire avec des bases neuves (post-punk, noise rock).
Le punk, ce n'est pas qu'une liste de noms. Ce n'est pas seulement Joe Strummer, Johnny Rotten, Dee-Dee Ramone. C'est aussi tous ceux que l'histoire a oublié mais qui ont pris part activement au schmilblick le faisant avancer, évoluer au gré des vents. D.O.A. dont l'album Hardcore 81 donna son nom au genre, Really Red qui faisait du post-hardcore bien avant Fugazi, Deep Wound ou Neon Christ avec leur thrashcore juvénile, Dicks et son single ravageur Hate The Police ou encore MDC, The Eat, Chronics, DV8... La liste est longue et loin d'être exhaustive. 
Le punk, ce n'est pas que de la musique. C'est une manière de vivre. Ou plutôt d'exister. De sortir de la nasse, de se faire remarquer, d'être autre chose qu'un numéro, qu'une goutte d'eau dans l'océan. Cette rubrique, sorte d'archives du punk, retranscrit le travail de rat de bibliothèque de désensablement de groupes plus ou moins confidentiels dont l'existence a souvent été brève mais dont le message n'est pourtant pas dénué d'intérêt. A vos perfectos. 

The Cure - Seventeen Seconds

1980 > Post-punk/Gothique/Cold wave/Pré-rigidité cadavérique


Le temps s'est couvert et l'ambiance considérablement rafraîchie depuis Three Imaginary Boys. Une seule année de différence entre les deux galettes pourtant... C'est un peu comme si on avait laissé ouvert le frigo de la pochette de l'album sus-nommé. Quelques résidus de soleil dans le ciel, pas encore totalement recouvert de nuages qui ne sont pas noirs pour autant. Ca donne plus dans le terne. Car ce n'est pas aussi "darkness" (terme cher à certains de nos amis pandas qu'ils soient nordiques ou non et qui gagnerait à obtenir un synonyme pour éviter le comique de répétition parfois) que la suite peut nous réserver. Bah ouais, y a qu'à mater la pochette pour s'en convaincre, c'est pas encore gris ou noir ou couleur flamme de froid. Ca tape plutôt dans le rose et le blanc le tout sous une bonne dose de flou. Encore un peu de lumière de ce côté-ci de la barrière, mais c'est indéniable, on n'y voit déjà moins clair. La frappe de la batterie se fait plus sèche et régulière, quasi métronomique, la basse se met à claquer comme un fouet dans l'air et coïncide avec l'arrivée de Simon Gallup qui contribuera à créer ce son labellisé Cure si particulier et discernable. A Reflection lance les hostilités d'entrée et constitue la première des petites interludes glaçantes qui peuplent ce disque. Ca pue la post-averse, oui vous savez cette drôle d'odeur qu'il y a dehors après une bonne rincée. L'après-orage, fulgurant de préférence, avec cette fragrance d'herbe mouillée pénétrante, omniprésente comme cette morosité ambiante qui s'installe. Il ne fait pas encore tout à fait la température "froid clinique" qui porte le copyright Cure qui a lui-même pompé son copyright sur Joy Division - température de saison au moment de l'écriture de ces lignes soit dit en passant - qui caractérisera la suite de la trilogie et conduira presque à la perte du groupe. Mais l'ambiance ici est déjà parfaitement notable: une désolation exacerbée, un dédain presque incarné, une désillusion quasi acceptée. Play For Today, plus enjoué et 2° morceau de l'album, ne doit pas vous induire en erreur. Ce disque est crépusculaire: Secrets, témoin d'un éloignement qui se fait plus pressant est une merveille de mélancolie et de désabusement avec la voix de Smith en retrait que l'on croirait envoyée depuis la colline d'en face. A Forest est THE tube avec cette ligne de basse et ce riff qui cassent les reins. Et le morceau titre, malade et saccadé, syncopé sur ses extrémités, se fait extrêmement explicite: oui, tout est froid et calme maintenant. Mais la véritable question est: s'il fait froid aujourd'hui, quel adjectif utiliser pour demain et Faith ? Glacial. Bien entendu.

dimanche 2 novembre 2014

75ème anniversaire Blue Note

Pas vraiment un article à proprement parler simplement un petit édito pour vous signaler qu'à l'occasion du 75ème anniversaire du label Blue Note, un des plus fameux labels Jazz, un superbe livre retraçant l'histoire et les différents artistes qui ont jalonné l'existence de ce label est sorti ainsi qu'une compilation de 5 disques très bien faite et idéale pour le novice mais aussi pour le mélomane averti pour (re)découvrir le travail de ce label essentiel dans le développement du jazz au XXème siècle. John Coltrane, Herbie Hancock, Art Blakey, Wayne Shorter, Thelonious Monk côtoient ainsi des artistes plus récents comme Michel Petrucciani ou Norah Jones. N'hésitez pas, c'est une édition limitée !

jeudi 30 octobre 2014

Kyuss - Wretch

1991 > Hard rock/Stoner à essuyer avec un sopalin


Dans le genre rock gras, difficile de faire mieux. Nan mais franchement hein. Du cambouis qui sort de tous les amplis, des guitares, du micro, de partout. J'imagine que c'est le son, avec cette prod garage qui y fait, mais l'impression est tenace, vivace, plus vraie que nature. Wretch c'est le premier album de Kyuss, le premier groupe de Josh Homme, la tête pensante de Queens Of The Stone Age, un album adolescent, prépubère même, maladroit parfois (et pour cause le bonhomme n'est âgé que de 16 ans), assez loin des road trips psychédéliques et désertiques de Blues For The Red Sun, Welcome To Sky Valley et When The Circus Leaves Town... , même si l'aspect stoner est déjà là mais dissous dans l'huile pour l'instant. Et pour commencer ce dixe, quoi de mieux qu'une intro monstrueuse, meurtrière, de 1 minute et quelques mais ô combien implacable avec ce riff en forme de coup de pied dans le derche. Et en plus le titre en forme de manifeste: Beggining Of What's About To Happen et entre crochets s'il vous plaît. Le début de ce qui va se passer. Oui en effet, ce n'est que le début quand on sait ce qui suivra mais putain sérieux! Je crois que c'est le début de carrière le plus convaincant et poutresque de n'importe quel groupe toutes époques confondues. Le reste du titre HWY 47 suit mais est logiquement un ton en dessous. Mais rien que pour cette intro, ça vaut le coup. Les deux titres suivants, le vrombissant Love Has Passed Me By et le doomy Son Of a Bitch enfoncent le clou et ce, le pied au plancher et contribuent à asseoir Kyuss au rang des groupes à suivre très attentivement en cette année 1991. Allez faites-vous un petit plaisir: c'est bon un peu de matière grasse pour la santé !

jeudi 23 octobre 2014

Deathprod - Morals And Dogma

2004 > Dark ambient/Suprême infinité


J'ai une certaine idée du chaos. Voilà. Elle est placée, mon accroche, une bonne phrase d'introduction, pensée, mûrement réfléchie pendant moult temps. Ouais, ça me semble assez parfait. Parfaitement racoleur, idéal pour vous titiller, vous et votre curiosité. Bah ouais, ne faites pas l'innocent ni le modeste, la curiosité c'est bien ce qui vous anime, non ? Quand vous voyez une petite lumière sous votre porte, vous passez votre oeil à travers le judas pour voir ce qu'il se passe dans le couloir, vrai ou faux ? Et puis vous vous repaissez dans votre voyeurisme. Ah il a bon dos le Mentalist... Oh, je ne vous jette pas la pierre, c'est cette dite curiosité qui vous mène jusqu'à moi, et qui vous fait attendre de manière insoutenable le prochain mot que je vais coucher sur le papier - en l'occurence le clavier - comme un morceau de viande que je jetterais en pâture à des fauves. Ce disque de Deathprod j'ai longtemps attendu avant de l'aborder. La bonne humeur, le bon temps, la bonne heure, minute, seconde. Le bon alignement des planètes. Et de la même manière, j'ai longtemps attendu avant de pouvoir en parler. Le temps de m'en remettre, de prendre un peu de recul, de trouver les bons mots. Deathprod c'est l'entité ambient de Helge Sten, musicien norvégien de son état, membre des exclusifs improvisateurs Supersilent et producteur au sein de Rune Grammofon, label spécialisé dans la prise de risque jazzy et expérimentale. Eh oui il n'y a pas que le black metal en Norvège !... J'ai une certaine idée du chaos disais-je. J'avais plutôt. Dead People's Things, second titre de ce Morals And Dogma, a tout envoyé balader, l'idée et le chaos avec. Pour qu'il y ait du chaos, il faut qu'il y ait quelque chose. Sauf que, comme dirait Léo Ferré, il n'y a plus rien. Rien qu'un désolement latent et pénétrant. Ah il a bon dos le dark ambient. Plus de notion de temps au cours de ces 18 minutes. Plus de notion du tout. Tout s'arrête. Pour ne plus redémarrer. L'eau que tu te versais est maintenant suspendue au dessus de ton verre. Ni jour ni nuit. Entre les deux. Qu'est-ce que la lumière, le son ou le toucher ? Tout est à réapprendre. La respiration n'est plus automatique. Concentre-toi. Inspiration. Tout n'est plus que sensation. Fugace. Expiration. Tout s'est inversé. C'est comme si l'air était devenu toxique et nous emprisonnait, nous noyait. L'air est devenu mortel. La vie devient mort. Lente. Agonisante. Dead People's Things, c'est la vie qui s'en va, la veillée funèbre interminable, le dernier souffle de vie qui s'éteint. L'infini dans tout ce qu'il y a de plus effrayant et inavouable. Insoutenable. Les autres titres, la cave sombre et la forêt inquisitrice de Tron, le lumineux Orgone Donor n'existent plus, noyés sous cette vague comateuse qui prend tout son temps pour t'appuyer la tête sous l'eau mais te libère juste à l'instant où tu te sentais partir. Deathprod, c'est la bande-son sur laquelle Prométhée se fait bouffer le foie chaque jour.