dimanche 9 octobre 2016

Massive Attack - 100th Window

2003 > Trip hop/Ambient/Orage acide


C'est un peu comme si on était en apesanteur, à mi-chemin entre ciel et terre, mais comme écartelé entre les deux, 2 murs épais au dessus et en dessous de la tête, sans issue possible pour en sortir. Plus qu'écartelé, le mot juste serait peut-être éclaté. Comme un ascenseur coincé entre 2 étages. Et au dehors, si tenté qu'il y ait un au-dehors, des engins metalliques hétéroclites, des fils de fer froids et taiseux, des oiseaux mécaniques qui perdent toutes leurs fausses ailes blanches en essayant de trouver la sortie, batifolant, se percutant par pur instinct de survie, se bouffant la tête, les yeux, aveuglés par un éclair de lumière traversant ce brouillard qui recouvre tout. Coincé entre Mezzanine et Heligoland, - inexact car il y aussi la BO de Danny The Dog, je vous l'accorde, que je suis en train de me faire d'ailleurs - 100th Window, peut-être l'album le plus ambigu et compliqué à cerner de la carrière de Massive Attack, a tout du malentendu, vestige des dissenssions dans lequel il a été engendré: Del Naja n'étant plus que le seul membre originel présent sur les 3 après que Vowles soit parti peu de temps après Mezzanine et que Marshall ait refusé de participer à l'élaboration de ce disque. La musique du groupe de Bristol avait toujours flirté avec l'ambient et une certaine forme de froideur mais elle n'avait jamais été aussi loin dans cet aspect jusqu'à maintenant et dissoudre presque entièrement son trip hop dans un mélange électronique/ambient assez minimal à l'ambiance délétère qui transparaît jusque dans sa pochette, grise et impersonnelle, dans son titre énigmatique et dans sa durée imposante. 100th Window c'est comme un parpaing qu'on aurait déposé dans un congélateur, un bloc de glace irradié et réchauffé par Sinéad O'Connor qui transforme tous ses titres en moments immortels (What Your Soul Sings, A Prayer For England). Et entre ces titres, d'autres pistes mémorables: Future Proof et son passage central proprement halluciné, Everywhen, l'éclaircie après la tempête et sa fin que l'on croit menaçante mais dont il s'avère au final qu'il n'en est rien et puis l'orientalisant Antistar - ce titre, sérieux ! - qui se prolonge sur 19 interminables minutes de divagations et tribulations électroniques, minimales, statiques et tétanisantes, tout droit héritées de This Heat et de son Testcard et derniers vestiges d'une guerre civile synthétique urbaine.    

Autechre - Tri Repetae

1995 > Electro/Avant-garde/IDM/Carnage synthétique


Les tapis prennent soudain une coloration ocre. Lentement, les pigments se diffusent au coeur du tissu qui voit son bleu originel se foncer de plus en plus. L'homme d'affaires, comme dans un rêve ou un cliché éculé a l'impression de se trouver dans ce bureau depuis des siècles ou des années lumière. Il n'a même pas entendu l'autre s'abîmer dans un bruit sourd. Il cligne des yeux. Tourne la tête en direction du gratte-ciel voisin. Non, tout est aussi tranquille que lorsqu'il est entré. Pas de lumière ou d'âme qui vive. Tout comme dans la rue en contrebas, déserte et rassurante, dont le silence n'est à peine troublé par les quelques gouttes de pluie qui battent les pavés. Il peut apercevoir sa voiture, parquée entre 2 arbres.
Clé sur le contact, serviette sur le siège passager dévoilant certains documents importants, c'était un vendredi soir qui s'annonçait conforme à ceux que notre hommes d'affaires apprécie. Il s'imaginait dans son fumoir, un bon whisky sur la table à proximité de sa main, non loin d'un exemplaire de Double Assassinat Dans la Rue Morgue d'Edgar Allan Poe, les pieds réchauffés par un excellent feu de cheminée et assis dans son confortable fauteuil. Il s'y voyait déjà comme dirait un célèbre chanteur. L'orage guette. Un éclair le tire de ses songes. Quelques gouttes s'écrasent sur le pare-brise. L'homme d'affaires est seul dans sa voiture.
Il est seul au milieu du trottoir qui mène au bâtiment où il travaille. Seul dans l'immense hall d'entrée de ce même bâtiment. Un siège vide se dessine derrière les écrans de contrôle. "Away for business". Le gardien a dû aller fumer une clope sur le toit ou peut-être est-il mort d'un accident vasculaire-cérébral dans les toilettes, gisant à présent sur le trône le visage paralysé et n'ayant plus grand-chose d'humain, qui sait ? Une ambiance de carnage synthétique se dégage de tout cela. Notre homme ne presse même pas le pas. Il se contente de furtivité et se dirige vers l'ascenseur. Si encore il était là pour tringler sa secrétaire à l'abri derrière une imprimante... Mais ce n'était pas le cas. En jetant à nouveau un oeil au poste de contrôle, il se dit qu'on doit se prendre pour un putain de Dieu derrière toutes ces caméras. Ou au moins pour Batman. Ca suintait par tous les pores, ce silence, l'ascenseur s'y mettait aussi, lui qui descendait les étages puis entrebaîllait ses portes en usant de tous les subterfuges possibles pour ne pas faire de bruit. 12° étage. Grand frisson.
Des bureaux abandonnés à perte de vue. Comme un océan. Notre homme déambule au détour des plantes de plastique, des barrières de verre et des machines à café désertées. Des gobelets vides se mettent parfois en évidence, en même temps que d'anonymes calendriers tentent de rester à la page. Mais tout cela fait dans le terne. On pourrait prétendre à la crise cardiaque en s'imaginant un des sièges non vides et fixant démentiellement l'écran gris face à lui mais non. Tous ces fauteuils, devant ces feuilles, ces dossiers, ces stylos, sont vacants, presque absents eux aussi. On aperçoit parfois des posters, sur les parois de ces cubes. Il faut bien essayer de poser sa marque sur ces mondes impersonnels. Il y repense, à sa secrétaire. Il serait bien mieux avec elle, essayant de repeindre en couleur ce monde gris plutôt qu'avec tous ces fantômes essayant de briser leurs chaînes. Il reconnaît son bureau, à l'horizon. 
Son pas se presse. Se stresse. Il veut en finir au plus vite. Il pousse la porte, se dirige droit vers son objectif, sans fioritures. Le dossier trône toujours fièrement à côté de son PC. Il s'apprête à le saisir quand un léger bruit dans son dos l'interrompt. Une goutte de sueur perle sur sa tempe. Face à la fenêtre, il aperçoit soudain la pleine lune. Je ne dormirai pas bien ce soir, se dit-il. Il se retourne. Le dossier, dont l'équilibre était devenu précaire, tombe sur le sol. Sur sa couverture, on peut lire ces 2 mots, énigmatiques, comme tirés d'un vieux manuel latin d'écolier: Tri Repetae.

dimanche 17 juillet 2016

The Cure - Pornography

1982 > Post-punk/Gothique/Terminus


"Alors souris à la vie, gars". Ca, c'est un comz dont j'ai eu droit sur Facebook comme quoi je souriais pas assez sur une de mes photos de profil. C'est amusant dans un sens. J'ai songé à la tronche qu'aurait tirée Robert Smith en 1982 si un mec lui avait dit ça lors d'un backstage ou d'une conversation privée. "Hey mec, pourquoi t'es déprimé comme ça, pourquoi tu te grimmes en vieux Joker bourré et délabré ? Enjoy, gros, la vie est belle !" 2 réponses possibles: soit le mec se serait fait renvoyer dans les roses séance tenante à coups de "Va te faire foutre" gratuits ou d'une superbe ignorance, soit 2 câbles se seraient connectés dans la caboche crâmée par les drogues du vieux Smith et qui sait, peut-être serait-il parti élever des chèvres en Patagonie dans un élan hippie sincère, bien avant que Florent Pagny ne balance sa télé et son frigo, peut-être aurait-il rejoint Captain Beefheart dans le désert de Mojave, le croisant tous les matins en allant chercher son journal imaginaire déposé par un postier mirage dans sa boîte aux lettres, ou alors se serait-il retiré dans un couvent tibétain, qu'en sais-je ?
Ce que je sais, en revanche, c'est qu'il aurait été dommage pour les Cure d'en rester à Faith alors qu'ils n'avaient pas encore terminé de creuser leur tombe, il y aurait eu comme un petit goût d'inachevé. Car oui, Pornography - au passage, si vous cherchez des informations sur ce disque, n'oubliez pas d'accoler les mots "Cure" ou "band", à fortiori si vous êtes au taff - est le point final de la trilogie Cold wave des Cure, entamée à l'orée des années 80 avec Seventeen Seconds. Un point final sans plus aucune trace de lumière ni d'espoir. La pochette est passée du terne au sombre, majoritairement noire. La photo du groupe est floue, distordue, une main décharnée semble demander de l'aide depuis un enfer incertain et précaire. Mais sont-ce encore les Cure ? Rien n'est moins sûr. Le contenu, à présent solidement ancré gothique, n'est que ruine et désolation (à part Short Time Effect qui détonne un peu et dont l'absence n'aurait même pas été remarquée) mais avec un aspect torturé et menaçant nettement plus marqué. En cela, les 2 vers aux extrémités de l'album sont assez symptômatiques de cet état d'esprit jusqu'au boutiste et profondément malade: "It doesn't matter if we all die", "I must fight this sickness, find a cure".
Pornography s'apparente ainsi à une lutte contre un démon et ne semble être que la recherche désespérée d'une hypothétique échappatoire à une ennemi visible ou non; le labyrinthe de Shining, le Horla ou Cerbère, réveillé par les hurlements de la guitare de One Hundred Years, appâté par la carcasse encore fumante de The Figurehead et hypnotisé par le lancinant Cold, le plus grand titre des Cure toutes époques confondues. La piste éponyme placée en fin de course - une habitude sur la trilogie - est la dernière cicatrice bruitiste d'un accouchement extrêmement douloureux et qui faillit provoquer l'implosion du groupe.
Car oui, Pornography est un album comme animé d'un feu intérieur inaltérable mais c'est aussi et surtout un point de non-retour, la bande-son de l'instant où Orphée, émergeant des Enfers avec Eurydice, se retourna.  

samedi 16 juillet 2016

Léo Ferré - La Chanson Du Mal-Aimé de Guillaume Apollinaire

1972 > Chanson/Oratorio


Oratorio. C'est le genre classiquement accolé à la mise en musique de la Chanson Du Mal-Aimé par Léo Ferré. Mais que nous dit explicitement l'ami Wikipedia au sujet de ce terme ? "Oeuvre lyrique dramatique sans mise en scène, ni costumes, ni décors". Une espèce de pièce de théâtre mais que l'on écouterait simplement, à laquelle on assisterait les yeux fermés en quelque sorte. Une première version de cette oeuvre a été réalisée en 1954 pour 4 voix solistes - et est même passée à la radio ! -grâce au mécénat du prince Rainier de Monaco qui mit à la disposition de Ferré l'opéra de Monte-Carlo et son orchestre et lui donna carte blanche pour la direction et le recrutement de chanteurs. Toutefois, la version qui a été gravée sur le CD que vous tenez entre vos mains est celle remaniée de 1972 pour une seule voix soliste, celle de Ferré. 
Tout au long de ces 47 minutes, différents tableaux se succèdent, souvent sublimes, tour à tour bucoliques, lyriques, menaçants ou simplement émouvants. Sur un texte riche à la fois en références littéraires et mythologiques mais également en quantité - près de 300 vers - Léo se démène voire se démultiplie: il chante, chuchote, vindicative, proclame, dénonce, rigole, se permet même des punchlines dignes de figurer sur certaines productions rap US comme "ta mère fit un pet foireux, et tu naquis de sa colique". 
La Chanson du Mal-Aimé, c'est une nouvelle oeuvre d'art totale de Léo Ferré doublée d'une performance vocale, symphonique et orchestrale remarquable et complexe qui, bien qu'elle soit moins personnelle dans le texte, trône fièrement aux côtés d'autres fulgurances dont il a le secret comme Il N'y a Plus Rien ou Et Basta !

dimanche 10 juillet 2016

Dødheimsgard - A Umbra Omega

2015 > Black metal/Progressif/Avant-garde/Post-Black metal



1h c'est à peu près la durée d'un vol Paris-Nice. Quoique, je n'en suis pas vraiment sûr, remarquez, l'heure d'arrivée n'étant pas inscrite sur mon billet Easyjet et je n'ai pas regardé ma montre au départ. Une heure. Le temps pour certains de s'envoyer 2 fioles de spiritueux - ou Jack Da pour les non-snobs - à près de 1 euro le centilitre le tout accompagné de glaçons dont on serait presque étonné qu'ils soient gratuits - maintenant que j'y resonge ils n'étaient peut-être qu'un seul dans le verre, ce qui expliquerait ce formidable élan de générosité - ou pour d'autres de faire un petit tour par la case chiottes en emmenant une paire de lunettes à la main, on se demande bien pour en faire quoi, tant il paraît compliqué de ne pas retrouver le loquet ou le papier dans une boîte exigüe de 1m sur 0,5m. Pour lire un journal, me direz-vous. Certes, vous répondrais-je, mais seulement page par page et en le déployant avec une infinie précuation afin d'éviter de faire un trou béant dans la cloison avec son coude ou de glisser de son trône en essayant de ramener les pages rebelles au bercail et se retrouver comme une tortue piégée sur le dos. J'exagère, tout n'est pas négatif à ce point, les hôtesses et stewarts sont plutôt sympas et assez contientieux pour se ridiculiser sur la chorégraphie de mise en situation du gilet de sauvetage avec le sourire et une classe certaine - digne des Village People et de YMCA. Et puis 1h, ce n'est pas si long après tout: à peine le temps de respirer entre la fin du décollage et le début de la descente. Ou de s'envoyer le dernier Dødheimsgard, qu'une mutation récente a transformé en DHG, dont les dernières notes de piano qui le closent, réminiscence de Satanic Art ou de l'ouverture de Shiva Interfere sur 666 International ont résonné à l'atterrissage.

A Umbra Omega a tout du serpent de mer: les 6 titres qui le composent sont insaisissables et proprement impressionnants. Leur longueur bien entendu (> 10 minutes pour 5 d'entre eux) mais aussi et surtout leur construction et leur structure. Aussi alambiqué que peut l'être Mayhem mais l'aspect chiant en moins. Mais surtout, réduire A Umbra Omega à un simple album de black metal serait une totale erreur. Bien sûr, il en porte les signes, voire les stigmates, distinctifs, Norvégiens et reconnaissables entre mille mais ils sont dilués, cachés comme pour brouiller les pistes: les breaks sont incessants jusqu'à vous donner le tournis, les blasts sont rageurs mais ne s'éternisent jamais, les riffs sont - outre le fait d'être présents par milliers et tous bons - déroutants, tour à tour tétanisants ou allant taper dans le post-punk de Wire, époque 154, proche en cela des travaux de Ved Buens Ende dans lequel a également joué Vicotnik, ou même chez les Pixies comme sur God Protocol Axiom au parfait nom de programme d'ordinateur. Enfin, la voix ne se contente pas d'être arrachée puisqu'on est ici en présence d'Aldrahn qui livre en tous points une prestation époustouflante. La palette de sa voix s'avère immense: hurlements stridents, déclamation puissante, gémissements, voix claire lyrique ou rocailleuse - David Bowie ou Tom Waits grimmés en pandas - choeurs, tout y passe.

A Umbra Omega est donc un album de musique, belle et riche, un ovni entre black metal, progressif, gothique et metal avant-gardiste, comme le fut 666 International avant lui, où le piano est désormais de retour en même temps que trompettes, saxophones, passages acoustiques et synthétiseurs 70's font leur entrée et que la basse devient omniprésente, un parfait maëlstrom de sensations qui trouve son apogée sur le premier extrait et single Aphelion Void, présent juste après l'éclair aveuglant de lumière qui fait office d'ouverture Love Divine ou sur des moments absolument sublimes et magiques qui illuminent certains titres bien entendu trop longs tels que la 3° minute de The Unlocking ou l'instant situé entre les 2° et 4° minutes de Blue Moon Duel.

Grandiloquent, prétentieux, presque hautain, A Umbra Omega et de là Aldrahn et Vicotnik ses géniteurs - qui n'hésitent d'ailleurs pas à jouer avec les silences et à se réduire en duo le temps de quelques passages, toujours de qualité - souffre tout simplement du complexe de Dieu. Tel un César regardant fièrement depuis son pied d'estale son armée briser toute résistance ennemie, nos 2 compères observent à distance le monde qui est en train de se construire sous leurs yeux à partir de la première pièce qu'ils ont posée tel un puzzle en 3 dimensions.

On reconnait un grand disque à la capacité qu'il a à vous harceler des jours durant. Et A Umbra Omega, de ce point de vue-là, en est assurément un. La très grosse baffe du début d'année 2015. 

samedi 18 juin 2016

Archive - Controlling Crowds

2009 > Progressif/Trip hop/Rock alternatif inspiré


Chaque jour a sa vérité. Chaque jour a son lot de surprises, bonnes ou mauvaises qui vont contribuer à le rendre unique ou au contraire complètement vain ou routinier. Chaque jour a son disque, qui sera érigé en ordre du jour puis aussitôt oublié le lendemain, l'humeur et les sensibilités ayant inexorablement varié. Ce jour-là, anonyme, cela avait été le jour de gloire de Controlling Crowds d'Archive. Il y avait pourtant une relative méfiance au départ - légitime - vis-à-vis de cette galette, tant le groupe ne parvenait plus depuis son premier jet Londinium à se montrer consistant tout au long d'un album entier, même s'il ornait chacun d'eux d'au moins un diamant brut: Again sur You All Look The Same To Me, Fuck U sur Noise, Lights sur l'éponyme. Et puis Archive, c'était de plus en plus l'inextricable étiquette "ados continuellement déprimés" et le groupe à appeler en cas de rupture sentimentale comme l'est Elton John en cas de décès. On n'échappe bien entendu pas à cela sur ce Controlling Crowds qui comporte son lot de niaiseries règlementaires - surtout dans sa seconde partie d'ailleurs - et qui s'avère au final trop long. Néanmoins, il reste au rayon des agréables bonnes surprises. Les ambiances plombantes et plombées sont particulièrement réussies, tout comme les titres hip hop, sombres voire presque funestes (Razed To The Ground) et 2 titres se détachent assez nettement: Controlling Crowds tout d'abord avec sa minute électronique d'ouverture, sa mélodie entêtante, son break à la fois superbe et pathétique dans un sens ("'Coz I'm scared of the controlling crowds") et son chanteur un peu à l'arrache dont je croyais qu'il ne faisait qu'un avec celui des Happy Mondays - allant même jusqu'à me demander si Pollard Berrier n'était pas un pseudonyme, écoutez pour vous faire votre propre opinion. Et puis Collapse Collide, à la fois vénéneux et lumineux avec son superbe chant féminin et son irrésistible montée en puissance jusqu'à l'explosion du refrain et de toute la déception accumulée "They're correcting, they're rejecting... Our hearts". 
En définitive, Controlling Crowds n'est pas parfait mais il bénéficie d'une clarté et d'une cohérence de démarche de bout en bout ce qui lui permettra peut-être de s'imposer au final comme le numéro deux de la discographie d'Archive, juste derrière Londinium.          

samedi 4 juin 2016

Björk - Homogenic

1997 > Electro, Electro symphony

On nous avait prévenu que c'était un coup de cœur, mais est-ce bien suffisant pour s'arrêter là ? Non, vous en conviendrez. C'est tout au plus une raison pour s'y intéresser et se faire son propre avis avec des attentes qui sont, de ce fait, élevées. Il faisait partie de ces albums qui me narguaient pour que je daigne trouver le temps de l'écouter. C'est désormais chose faite et après plusieurs écoute, comme pour rattraper le temps perdu, on ne peut que l'apprécier. Le mot peut paraître modéré c'est vrai, mais ne vous offusquez pas si je n'en dis pas plus. En effet, quand je dis que je l'ai apprécié, cela ne vous surprend certainement pas compte-tenu des avertissement que j'en avais reçu. Pour autant, je l'ai apprécié, mais différemment de ce à quoi je m'attendais. Vous aurez compris qu'on ne parle plus en termes de qualité mais d'impressions, de l'anima qui se dégage de l'album et des réactions qu'il suscite, propres à chacun. Voilà pourquoi je ne veux pas passer une couche de qualificatifs en guise de confiture pour donner ce que serait un avis général sur l'album. A trop vouloir vanter une œuvre, on finit presque par dépiter ceux qui souhaiteraient avoir la surprise de découvrir une pépite ! C'est peut-être ça le cœur du problème : laisser chacun exprimer un ressenti personnel sur une œuvre techniquement très réussie. J'avais déjà écouté quelques titres ici ou là, mais pas l'album en entier. C'est sur ce point que j'ai eu tort. L'album est pourvu d'une cohérence tellement remarquable que l'on n'a pas l'impression de n'avoir affaire qu'à des tubes qui s'enchaînent les uns après les autres. Il ne s'appelle pas Homogenic pour rien ! Cependant, cohérence n'est pas synonyme de linéarité. On peut, en effet, assister à une variation du style au sein même d'une piste. A titre d'exemple, dans Joga, le décor est d'abord modelé par une symphonie nordique qui tombe dans l'ambiance underground par l'apparition progressive d'un groove. Savant mélange ! Ce morceau s'enchaîne d'ailleurs très bien avec Unravel, au ton beaucoup plus intimiste. Le fil conducteur de l'album est bien le mariage entre les sons electros et les instruments symphoniques et organiques, voix en chœurs comprises. Les rythmes sont assez variés d'une piste à l'autre. La voix est débordante d'énergie, avec de sublimes envolées comme sur Bachelorette ou encore avec l'usage d'un timbre qui vient interférer avec la distorsion de l'arrangement comme sur Pluto. On en est déjà à l'avant dernier morceau. Le temps passe vite avec cet album. Cette prise de conscience d'une fin imminente ne peut qu'améliorer le ressenti de All is Full Of Love. Ce titre vient somptueusement clôturer la séance dans une ambiance mystique beaucoup plus détendue qu'auparavant, comme pour nous ramener sereinement à la réalité. De subtils sons viennent nous effleurer dans toutes les directions. Une basse canalise ensuite toutes les notes éparses pour converger vers le point final.

samedi 16 avril 2016

Talk Talk - The Party's Over

1982 > Synth pop/New Romantic


Intéressons-nous à présent au cas plus singulier qu'il n'y paraît du groupe anglais Talk Talk dont réduire l'impact et le rôle sur les 80's à Such a Shame et à un simple pourvoyeur de singles pop à répétition serait une erreur. Car en réalité, ce groupe avec ce curieux chanteur à la voix haut perchée a au fil de sa discographie peu à peu constitué un véritable cas d'étude et dérivé de sa démarche initiale pour devenir un des défricheurs du jeune post-rock naissant. Cependant, en 1981, lorsque sort son premier disque The Party's Over, le groupe, qui ne compte alors pas de guitariste dans ses rangs, est encore solidement ancré dans le synth pop/new romantic ambiant alors en vogue avec toutes les conséquences que cela peut impliquer - notamment au niveau des synthétiseurs, détenus par Simon Brenner qui ne sera d'ailleurs plus de la partie sur l'album suivant It's My Life, qui sonnent parfois bien limite et cheap, je pense surtout à Mirror Man et Another Word. On peut malgré tout imputer cela sur le compte d'une première erreur de jeunesse.
La seconde est cette espèce de naïveté qui se dégage de certaines pièces de cet enregistrement: Hate et ses choeurs ou encore Another Word (une nouvelle fois !). Toutefois, The Party's Over - et son éponyme ambitieux et désabusé en tête - pour un disque de breakthrough, contient déjà trop de bombes ultra calibrées pour n'être seulement considéré comme un charmant et inoffensif exercice de style synth pop d'un quelconque groupe lambda: le premier single qui donne son nom au groupe et qui devait pulser méchamment en boîte en nuit, l'atmosphérique Have You Heard The News ? ou le superbe Candy nous indiquent clairement que Talk Talk est bel et bien un groupe prometteur et qu'il faudra compter sur eux pour la suite, ce que l'avenir proche nous confirmera en effet.  

  

Bryan Ferry - Avonmore

2014 > Funk/Rock/Pop sophistiquée


C'est peu dire que j'en attendais pas grand-chose de ce nouvel opus de Bryan Ferry. Déjà, pour être tout à fait précis, je ne l'avais jamais écouté en solo et si j'avais acheté cet Avonmore, c'était parce qu'il se destinait à être un cadeau de Noël pour une inconditionnelle de Roxy Music. Lorsque je l'ai lancé sur ma chaîne Hi-fi, c'était ainsi de manière tout à fait indifférente, sans y prêter trop attention - du moins au début, simplement pour faire plaisir à la destinataire de ce cadeau. Et puis Loop De Li - à l'intitulé rigolo d'ailleurs - a déboulé sans crier gare, avec son feeling typiquement British dans le texte et sexy à souhait, un titre dont notre dandy Anglais, toujours aussi fringuant malgré ses presque 70 printemps, a le secret lorsqu'il les pondait à la pelle avec Phil Manzanera et Brian Eno au sein de Roxy Music. Bien évidemment, ce titre est le premier single extrait de ce Avonmore, un choix plus que judicieux. Un premier single que Johnny Marr, fameux guitariste des Smiths, illumine de son phrasé si particulier, un des nombreux guests que compte ce disque car l'ami Ferry est ici bien entouré: outre Marr, on retrouve Flea des Red Hot, Mark Knopfler ou les fils de Bryan, à la batterie ou à la production, pour rester en famille. Les autres titres de cet Avonmore sont dans l'ensemble bons, naviguant entre glam, new wave et pop, même si parfois la voix de Ferry, moins capable de monter dans les aigus, se fait seulement sussurrée. Driving Me Wild, le très intimiste Lost ou l'excellente reprise de Robert Palmer Johnny And Mary, aérienne et électronique, assez proche de ce que pouvait nous proposer un groupe comme Kraftwerk, réalisée avec la complicité du DJ Todd Terje, qui clôt l'album d'une bien curieuse façon, froide et détachée, presque désabusée, contribuent à installer cet album au rayons des bonnes surprises de la fin d'année 2014.       

lundi 28 mars 2016

The Rumjacks – An Irish Pub Song

2010 > Folk Punk

Hey Psssit, par ici ! Dites-moi, vous n’auriez pas un petit remontant, un peu de gaieté histoire de tuer la morosité… En tout cas, j’ai du Rumjacks, ça agira vite fait, vous verrez ! Et Hop, on se met en route avec le titre An Irish Pub Song. Les premières notes, à la fois amusantes et envoûtantes, débarquent tout droit de l’univers celtique avec les instruments traditionnels qui vont bien. Le dynamisme qui se dégage de la rythmique vocale rend le morceau vraiment entraînant. Les guitares interviennent ensuite et là, ça donne carrément l’impression que toute une assemblée se lève pour danser en bazardant les affaires dans tous les sens. Inutile de vous dire deux fois qu’avec sa structure punk, le morceau vous met joyeusement des tartes dans la tronche. Si malgré tout vous n’êtes toujours pas réveillé, une voix rocailleuse prenant le dessus sur la musique ne manquera pas de vous rappeler que votre place est debout sur la table. Vous refusez de suivre ce boute-en-train ? Mais quelle idée, mon pauvre ! Et une et deux et trois calottes généreuses et vous ne pouvez plus manquer à la fête. Les accords et les transitions auront, en effet, de quoi vous secouer. Vous commencez à peine à entrer en jeu que c’est déjà fini. Il faut dire que ce morceau est un condensé de joie de vivre en trois minutes. Rien ne vous interdit de reprendre la partie. A consommer sans modération.

mardi 22 mars 2016

Massive Attack - Ritual Spirit EP

2016 > Trip hop


Urbain et froid. Froid et urbain. Ca sonne plutôt comme un retour aux sources pour le collectif de Bristol, voire aux racines de Blue Lines en tête, 6 ans après Heligoland, la dernière livraison en date du groupe qui malgré son excellence et son lot de titres brillants et énigmatiques (Flat Of The Blade, Atlas Air) marquait tout de même une nette propension au réchauffement de l'atmosphère globale, surtout au vu de l'aspect glacial et austère que revêtait l'album précédent ce dernier, 100th Window. Et oui, Massive Attack est bel et bien de retour et avec des intentions assez claires. Ce retour aux affaires s'est ainsi fait en 2 étapes.
La première avait été ce tweet annonçant une application nommée Fantom permettant de découvrir les morceaux de leur nouvel EP qui devait sortir de manière imminente mais dans une version "sur-mesure" et personnelle, l'application remixant les titres en fonction du moment de la journée, de l'environnement, du rythme cardiaque et des mouvements de l'auditeur. Un bidule marrant 5 minutes certes, mais qui ouvre néanmoins l'appétit.
La seconde étape est donc le dévoilement du dit EP Ritual Spirit, 4 titres au compteur et autant de features. Et quoi de mieux pour démarrer et fêter le retour du fils prodigue qu'un morceau de choix électronique tout droit sorti du frigo - morceau d'ailleurs le plus résolument électronique des 4 - le bien nommé Dead Editors, un techno industriel et clinique qui pulse méchamment mais qui n'oublie cependant pas de groover grâce à ce sample du Watermelon Man de Herbie Hancock version Head Hunters. Un titre aussi menaçant et clinique qu'un coup de scalpel juste en dessous de la gorge. Une menace qui atteint d'ailleurs son seuil maximal et son paroxysme sur Voodoo In My Blood, incontestable pièce maîtresse et climax sombrex de l'EP, avec ses choeurs féminins, le rapping pour le moins saccadé et habité des Young Fathers et ce riff de guitare féroce et tueur qui fait irruption comme un chien dans un jeu de quilles au bout d'une minute trente. Cette même guitare qui avait entretemps et déjà fait son petit effet sur l'éponyme Ritual Spirit où l'interprétation dans les aigüs d'Azekel sur fond de tamtams fait mouche. Take It There, le titre final et le premier à avoir été dévoilé, qui était le plus attendu et le plus ambitieux avec le retour de Tricky se partageant le micro avec Del Naja se révèle être paradoxalement le moins intéréssant des 4 morceaux et ce malgré ces notes de piano et ces couplets inquiétants à cause de ce refrain très joli mais un peu facile et manquant singulièrement de caractère. Malgré tout, ne boudons pas notre plaisir, Ritual Spirit est un très bon EP de retour pour les rois du trip hop et c'est plutôt de bon augure pour un éventuel futur album.             

dimanche 20 mars 2016

Tragedy - Tragedy

2000 > Hardcore/Punk/Néo-crust


J'ai une affection toute particulière pour ce groupe. Formé en 1999 sur les cendres de notamment les déjà très bons His Hero Is Gone, les Tragedy (rien à voir avec le duo de rap Français, rassurez-vous) officient dans le genre néo-crust. Comprenez: du hardcore punk particulièrement virulent et rapide, avec gros riffs et grosses voix. MAIS ce qui les distingue, c'est une sensibilité mélodique tout à fait remarquable. Les chansons de Tragedy ont beau être ultraviolentes, elles sont également ultramélodiques, avec des riffs acérés qui dégagent toute une foulée d'émotions diverses comme la rage ou la nostalgie et des voix qui ne se contentent pas d'être des simples hurlements de veau mais sonnent parfois comme de véritables plaintes. Cette mélodie, on ne la retrouve malheureusement pas encore sur le premier disque des Américains, où leur hardcore est vraiment ultra bourrin et exécuté un peu sans cervelle. A vrai dire, on est plus proche ici de D-Beat, ce style de hardcore inspiré par Discharge puis joyeusement relayé ensuite notamment par nombre de groupes suédois. En outre, la production de ce premier album n'est pas vraiment à la hauteur. Rien de mauvais et de rédhibitoire cela dit, reste un honnête début avec son lot de bons moments comme l'excellent Never Knowing Peace, mais quand le meilleur morceau de la galette se trouve être l'intro d'une minute entièrement acoustique, ça ne fait tout de même pas très sérieux pour un groupe de crust.      

dimanche 28 février 2016

Buffalo Springfield - Again

1967 > Folk/Rock/Blues


Le pouvoir de la marque c'est fabuleux quand même. L'autre fois, je traînais dans un magasin de jouets et je matais la différence de prix entre les Lego standard et les Lego Star Wars. Je veux bien croire que Chewbacca soit difficile à modeler en figurine mais tout de même. Près de 20 euros de différence entre 2 boîtes, de même surface, de même contenant ou presque (comprenez: des briques) tout cela pour 2 mots inscrits sur le carton. Et vous noterez que c'est la même chose dans énormément de domaines. Alors faisons les parfaits moutons et suivons la logique et la meute ! "Ces chaussures sont en cuir véritable et super confortables". Mais je vais pas marcher plus vite avec, non ? Et puis les semelles ne sont pas inépuisables, je vais bien devoir les balancer ou les filer à mon chat pour qu'il joue avec au bout d'un moment, non ? "Ces biscuits sont faits à partir de blé d'origine contrôlée". En gros, ils sont comestibles, juste un peu plus que les autres. "Ce vin, c'est un grand crû de 20 ans d'âge". Ouais, il saoûle juste de manière plus agréable que la Villageoise ou le Vieux Pape mais même effet, au bout du compte. "Ces fringues, c'est des [Insérez la marque de votre choix] !" Ah, ça veut dire qu'elles n'ont pas besoin d'être lavées, que ce blouson est 2 fois plus chaud et que ce pull en laine véritable ne gratte pas. Et je ne vous parle même pas du PQ... Et bien les étiquettes en musique, c'est un peu la même chose. Je vous balance un nom de groupe bien gentillet, limite anonyme plus le nom d'une star qui y a figuré bien que de manière éphémère, et hop le tour est joué, même pas besoin d'écouter, c'est le chef d'oeuvre assuré et éternel. Exemple: Buffalo Springfield, qui compta dans ses rangs Neil Young et Stephen Stills et leur 2° album Again. Un album tout ce qu'il y a de plus classique entre folk, blues, rock et psychédélique (nous sommes tout de même en 1967) que Rolling Stone classe 188° album de tous les temps. Je veux bien croire que ce disque est parfait mais dans ce cas-là ce serait qu'il est parfaitement neutre: les compos de Young tiennent la route, mieux que sur son premier effort solo d'ailleurs, et sont disposées pour 2 d'entre elles - à savoir Mr. Soul et Broken Arrow - sur les extrémités ce qui est assez bien vu, le discret Sad Memory et Everyways sont assez bonnes. Et puis c'est tout. Parfaitement désuet et inoffensif. Une égérie aux lentilles colorées et aux seins siliconnés. Maldonne. Duperie. Une erreur sur la personne. PS: dans ton testament, demande à être enterré avec tes Adidas et ton polo Ralph Lauren, tu pourras peut-être monnayer ta place en enfer.                 

samedi 27 février 2016

Bruit Noir

2015 > I / III

Noir comme la colère, noir comme la mélancolie. A moins qu'il ne s'agisse de peurs recluses au plus profond de nous mêmes ou bien de l'intimité exposée au grand jour. Un cri d'alarme est lancé à travers la noirceur du quotidien. C'est l'épuisement d'une volonté qui rêve sans cesse de se dérober à son destin inflexible. Un regard vers le passé réveille des sentiments consumés par le temps. La douceur d'une œuvre laisse alors place à l'amertume, voire à l'agacement. Que faut-il encore espérer ? Un bruit couvert par la nébuleuse médiatique se propage à travers les foules gavées par la propagande. On ne lui reconnaît aucun accoutrement, mais le message est très parlant. On ne saurait dire si ces mots sont prononcés ou bien chantés. Ils ne peuvent, en tout cas, rester tapis dans l'ombre, portés par une voix grave qui n'a nul besoin de forcer pour se faire imposer. Le bruit comme pour désigner un style qui n'appartient à aucun registre facilement identifiable. La mécanique s'opère rapidement, avant même de comprendre la recette. D'ailleurs, une fois touché, on ne cherche plus à la comprendre. On reconnaîtra volontiers que cette atmosphère brumeuse a quelque chose d'hypnotique. Des paroles simples qui retranscrivent des pensées tantôt personnelles tantôt communes. Répétées inlassablement, elles gagnent notre approbation. Martelées sur un rythme fougueux comme des incantations, elles font germer l'envie de prendre part au mouvement. La formule sonne avec une simplicité déstabilisante et pourtant, l'ambiance grisonnante aux quelques couleurs pastelles sait faire force. La voix de Pascal Bouaziz y est manifestement pour beaucoup dans cet album qui mêle le genre biographique avec d'autres thèmes du quotidien et de la société. Les sons mystiques dressent des décors envoutants, voire intriguants. Bruit Noir est une curiosité musicale dont il faut profiter.

dimanche 21 février 2016

Dire Straits - Dire Straits

1978 > Blues/Rock à l'ancienne


Il y a 38 ans débutait l'intéressante aventure studio des Dire Straits avec le début de l'enregistrement de leur premier album éponyme. 1978, donc, une époque pour le moins trouble où l'on découvrit de nouvelles façons de faire de la musique autrement que via le talent pur et la virtuosité. A l'énergie, aux tripes, les jeunes punks voulaient tuer le père (voir le refrain de 1977 des Clash, "No Elvis, Beatles, or The Rolling Stones") et leur héritage. C'est peut-être pour une de ces raisons que j'éprouve un si grand respect et même admiration pour les Dire Straits et leur oeuvre. Car sortir un tel premier album de blues/rock roots en pleine tempête punk anglaise, fallait non seulement le faire mais également avoir les couilles de le faire. Dire Straits l'album, c'est du rock pur et dur composé par un groupe imperméable à ce qui se passait autour de lui et sûr de son jeu: une basse, une batterie, 2 guitares dont un guitar hero en la personne d'un journaliste de 27 ans prénommé Mark Knopfler qui se charge également de la composition et de tenir le micro. Un premier album ni mauvais, ni totalement excellent, ce qui sera une constante dans leur discographie mais extrêmement plaisant. Pour Sultans Of Swing et son solo évidemment, un titre à présent passé à la postérité mais pas seulement. Southbound Again, mais également le monumental Down To The Waterline illuminent un album qui s'est vu confier à son insu et sans y être programmé à la base la lourde tâche de donner un nouveau sens à l'expression "faire du rock". Et qui s'en est acquitté avec brio. 

Mgła - Mdłości

2006 > Black metal/Immense et intense poutre


Le ciel est noir. Anthracite. Comme du charbon. Le jour ne tombe pas. Il gît déjà sur le sol, désarticulé, comme une marionnette qui aurait perdu ses ficelles et son maître et qui demanderait pardon. Pardon pour tout. Pardon pour rien. Pardon de n'avoir rien fait et d'avoir tout laissé faire. Le jour ne s'est jamais levé aujourd'hui. Encore trop marqué par la beuverie d'hier soir. Encore trop déchiré. Panne de ré-veille. Sale tronche dans le miroir. Smash the mirror. Yeux rougis, langue pâteuse, esto-maqué avec la flotte. Même son de cloche. Même les nuages sont noirs. Comme si un mec avait renversé son encrier et que tout s'était répandu dans l'air, dans l'eau, dans la terre, empoisonnant chaque parcelle de matière. Les corbeaux volent bas. Pratiquement au niveau du sol. Les animaux fuient la lande. Ventre à terre. La tête aussi, comme écrasée par un indicible poids inextricable. La respiration sourde, le coeur prêt à bondir hors de la poitrine. Hétéroclites. Renards, sangliers, loups, piafs, pêle-mêle disparaissent dans l'obscurité comme traqués par une menace invisible. Le clairon sonne l'hallali tandis que les lilas fanent. Pris au piège. Intoxiqués. Se désintègrent en laissant une pitoyable trace comme preuve de présence ou un administratif acte de naissance. Un déni d'existence. Il y a d'autres cadavres ici. La nuit règne. Le jour gît et l'heure hache les minutes en fines lamelles. La nuit reine. Le sang noir ou l'indécision de savoir si tes yeux sont ouverts ou non. Clignants bien que défaillants. Des montagnes hallucinantes. Putride. Fétide. Des memebres inertes. Des visages déformés qui n'ont plus grand chose d'humain. Pestilentiel. Il y a un mec avec une pelle ou un râteau qui se tient là. A moins que ce ne soit une femme. Il titube. Dieu s'est absenté pour un moment. Veuillez rendre l'âme après le bip. La lettre griffée en Polonais ça se prononce "we". Dans cette même langue, "mdłości" ça veut dire "nausée". Et sur ces 10 minutes noires et apocalyptiques, il ne s'agit que de cela.   

Sadistik - The Balancing Act

2008 > Abstract hip hop/Dark hip hop


Voilà bien du hip hop comme je l'aime. Fait avec les tripes, pour des tripes. Découvert grâce à quelqu'un que vous connaissez bien - cela dit vous pourriez mieux le connaître s'il faisait un peu plus de chroniques et moins son timide, n'est-ce pas Cham's ? - et à qui j'avais dit le week-end dernier que je kiffais pas mal Mobb Deep et ses mélodies déprimantes. Dans Sadistik, il y a "Sad". Mais ça aurait pu tout aussi bien s'appeler "Melancholik" que ça aurait été pareil. Triste donc, oui, mélancolique à souhait. La pochette de toute façon, superbe de noirceur, annonçait la couleur. Cody Foster de son vrai nom, originaire de Seattle, livre avec The Balancing Act un premier album aussi mature que soigné et ce, à seulement 22 ans. Une ambiance singulière, presque morbide parfois, pour une bande-son qui illustre parfaitement ce qu'est une humeur post-bad trip. Armé de son flow rageur qui rappelle parfois furieusement Eminem et de sa plume incisive, Sadistik se chargera de vous laminer l'esprit avec son hip hop sombre et vénéneux à coups de mélodies imparables qui font mal à la tête. Playing God, Searching For Some Beautiful, Absolution, Angel Eyes sont autant de petits bijoux funeral et malsains à l'instrumentation variée et accrocheuse (piano, guitare - ce riff sur Absolution, bon sang... -, violons et même accordéon !) qui se chargent de casser l'ambiance avec une facilité déconcertante. Une excellente surprise en matière de hip hop underground et une discographie à creuser plus en détail.

samedi 30 janvier 2016

Shitlickers - Cracked Cop Skulls

1982 > Hardcore/Crust/D-beat/Shot calibré


Z'avez bien 5 minutes à me consacrer, non, juste avant d'aller bouffer ou entre 2 disques intellos ou intéréssants ? Le temps de s'envoyer un EP d'ultraviolence sadique et je m'en foutiste dans la tête. Le titre, Cracked Cop Skulls dans une de ses appellations officielles d'origine incontrôlée, annonce nettement la couleur. Les Shitlickers, Suédois dans le texte, ont fait partie de toute cette meute D-Beat/crust(y le Clown) énervée qui a émergé dans le pays de Zlatan au cours des années 80, très fortement influencés par Discharge (d'où le genre emprunte d'ailleurs son nom), certains allant même jusqu'à singer leur nom, en le choisissant préfixé par la syllabe Dis. 4 titres à fond la caisse, dont un potentiel tube de l'été avec Spräckta Snutskallar repris plus tard par Ratos de Porão, des riffs qui seraient presque énormes si on pouvait les extraire du magma en fusion les engloutissant, une voix étouffée pas trop écorchée qui s'y débat crachant des bribes de textes punks dans leur contenu succinct. 4 mots pour Warsystem (dont 3 fois "Warsystem"), une question ("Who tell the cunts to do what they do ?") et une réponse sans appel fournie dans le titre pour The Leader (Of The Fuckin' Assholes). Même pas de kiffer que c'est déjà fini. D'ailleurs, en parlant de kiff, vous saviez que l'orgasme le plus long chez une fille était de 45 secondes ? 4 titres de 50 secondes chacun, fais le compte. Pendant que tu lisais cette kro mal fichue et que tu t'envoyais ce Cracked Cop Skulls en même temps, elle a eu le temps de prendre son pied 4 fois. Heureux veinard.

dimanche 24 janvier 2016

David Bowie - Blackstar

 2016 > Experimental rock/Jazz/Testament

Le contrecoup est plutôt rude. Et le réveil assez difficile. C'est un peu surnaturel pour dire vrai. On y croit pas vraiment, on se demande si ça n'était pas tout bonnement un simple cauchemar, certains de nos rêves nous semblant tellement réels qu'on est véritablement tenté d'y croire jusqu'au moment où la réalité nous rattrape brutalement, prenant la forme d'une fille inaccessible te faisant un doigt tout en te rappelant, le sourire moqueur en coin, que tu vas être en retard à ton boulot minable. La réalité... La réalité est implacable. Et ça a quelque chose de flippant. Et de dégueulasse.
Pourtant, on connait les règles du jeu dès le départ - ou si peu -, on se dit qu'il y aura toujours un moyen de tricher ou d'éviter les cases "Labyrinthe" ou "Puits" pour arriver en case 63. Mais la réalité se tient là, c'est le juge qui veille au respect du règlement, c'est la laisse passée à notre cou et qui nous étrangle, peu à peu nous étouffe, prend tout ce qu'il y a à prendre avant de se tailler et de ne laisser derrière elle qu'une coquille vide. Peut-être bien que cette réalité-là n'est rien d'autre que cette chienne de vie après tout.
"Et surtout une bonne et heureuse nouvelle année !" Et mon cul ? J'estime - et à juste titre, j'en suis sûr que vous en conviendrez - qu'il y a eu tromperie sur la marchandise. Car personnellement, je n'avais pas signé - si tenté que j'avais signé pour quelque chose - pour un début d'année aussi pourri. Car si certains secteurs sont en difficulté, la petite entreprise de la faucheuse, elle, ne connaît pas la crise en ce début d'année 2016 avec un regain d'activité important surtout auprès des artistes. Ca avait commencé avec Lemmy "The Mötorhead Soul" Kilmister qui n'avait même pas entraperçu 2016, puis tour à tour ce furent Michel Delpech, Michel Galabru, Pierre Boulez et Yves Vincent qui nous quittèrent - d'autres se sont malheureusement ajoutés à la liste depuis l'instant où j'ai écrit ces lignes - jusqu'à ce lundi 11 Janvier 2016 où ce fut au tour de David Bowie de prendre congé. L'émotion fut grande. Car certes, ce n'était pas un membre de la famille - du moins pas la mienne, ni la vôtre, je suppose - mais depuis 45 ans, on s'était habitués à sa présence, à son disque annuel, à ses concerts, ses apparitions cinématographiques de-ci de-là. Il faisait un peu partie des meubles, comme l'horloge du salon ou le chien familial, distillant sa formidable musique comme un orfèvre à travers tes enceintes ou ton casque. Un tel monument en somme, qu'on envisageait pas une seconde sa mort, pour citer un de mes potes. Et quand celle-ci survient, cela fait un choc et surtout nous laisse un grand vide. Heureusement dans notre malheur, il a eu le temps de nous laisser un ultime témoignage de son immense talent de caméléon et de touche-à-tout musical: Blackstar sorti le jour de son 69ème anniversaire. 
Avec cet album, son 26°, Bowie avait promis le retour à une musique plus avant-gardiste et expérimentale, plus jazzy également, dans la veine de ce qu'il avait pu proposer à la fin des années 70 au cours de sa période dite Berlinoise notamment avec l'extraordinaire "Heroes" et sa face B presque entièrement synthétique et instrumentale co-réalisée avec Brian Eno, continuant à établir les codes de ce qu'on appelerait la musique ambient, codes déjà partiellement jetés par Eno en solitaire après son départ de Roxy Music. Le premier single extrait de l'album, à savoir l'éponyme Blackstar, accréditait totalement cette thèse. Des beats electro/technoïdes, un retour remarqué du saxophone, un rythme plutôt lent pour un titre construit en 2 parties, la première aux 2 extrémités du morceau suffocante et malsaine, la seconde au coeur du morceau, plus aérienne avec l'irruption de sons et nappes plus synthétiques, légers et atmosphériques, le refrain faisant le pont entre les 2 parties en étant à la fois entêtant et déformé. Du haut de ses 10 minutes, avec son clip et ses lyrics pour le moins dérangeants - voir Bowie, un bandeau autour de la tête et des boutons en guise d'yeux entonner le vers "On the day of execution" - Blackstar est en effet un singulier premier single et une curieuse entrée en matière. La suite nous réserve bien d'autres surprises: 'Tis A Pity She Was A Whore - quel intitulé ! - et son feeling très jazz cabaret, l'electrojazzdisco I Can't Give Everything Away dresse un émouvant bilan de fin de vie, Sue dévoile une facette noise rock de Bowie que je ne lui connaissais pas, facette qui trouve son prolongement sur le phénoménal single testament du maître, Lazarus, définitivement le moment de grâce de l'album, le dernier chef d'oeuvre de Bowie, la dernière preuve si on en doutait que le bonhomme n'avait jamais perdu sa capacité à pondre d'immenses titres. Car oui, Lazarus - du nom du personnage de la Bible Lazare de Béthanie qui aurait été ramené à la vie par Jésus alors qu'il était mort et enterré depuis 4 jours -, coincé dans ce duel fratricide que se livrent sans merci ce saxophone et ces guitares cisaillantes à travers desquelles on jurerait reconnaître Steve Albini, est un véritable crève-coeur. Car l'acteur qui se cache sous les traits fatigués de Lazare, ce n'est autre que David Bowie lui-même. Il n'y a qu'à jeter un oeil aux lyrics, limpides, pour s'en convaincre. "Look at me, man, I'm in heaven" incroyable et prémonitoire permier vers, "I've got scars that can't be seen" témoin de ses excès passés et qui faillirent lui être fatals au coeur des années 70, "Everybody knows me now" traite de son statut à présent établi de rock-star mondialement connue, "Look at me, man, I'm in danger" puis quelques lignes plus loin "You know, I'll be free" prennent un autre éclairage maintenant qu'on sait que l'Anglais souffrait d'un cancer et se trouvait ainsi dans une situation pour le moins précaire. En outre, l'utilisation de la première personne et la mention de New York - une ville où Bowie vivait depuis 20 ans - ne peuvent plus faire croire à une simple coïncidence. Bowie, qui a incarné et manipulé tant de personnages comme des marionnettes au cours de sa carrière a ici livré son ultime rôle et fait tomber le masque en même temps: Lazare n'est rien qu'un autre prête-nom pour Robert David Jones, le petit Londonien devenu géant aux pieds d'argile, qui a été mis à mort comme l'avait déjà été avant lui Ziggy Stardust. Un tel caméléon ne pouvait que s'offrir une sortie théâtrale comme celle-ci. "Ain't that just like me ?" demande-t-il dans un dernier vers avant un merveilleux solo final de saxophone. Oh que si, David, oh que si... Ca te ressemble tout à fait.